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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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courbe d’un sein tellement pur
qu’on le dirait coulé dans une coupe de cristal… La gloire du corps
féminin monte comme un poème, de l’ardent Koriousaï [13] , peintre des guerriers et des vierges,
à Kiyomitsou (1735-1785), à Bountshô (?-1796), à Kiyonaga
(1742-1815) qui font si souvent penser aux décorateurs de vases
grecs, au grand Hokusaï (1760-1849) lui-même qui comprit aussi bien
l’étalement gras d’une croupe, la fermeté globuleuse d’une poitrine
que l’ascension des vieux volcans incendiés par le matin et le
balancement des vagues. L’art du XVIII e siècle même, fut
à peu près tout entier, comme en Occident, un voluptueux hommage à
l’amoureuse. Les figures d’Outamaro (1754-1805), qui décrivait avec
une passion si fervente les beaux seins offerts comme des fruits,
les nuques hautes et dures sous les cheveux relevés, les visages
ovales sous les coiffures de jais noirs retenus par les épingles
d’or, les idylles charmantes d’Harounobou (1718-1770), épris des
jeunes filles rencontrées dans les jardins et sur le seuil des
maisons de papier, associant les femmes aux fleurs, faisant jouer
discrètement les noirs effacés, les rouges éteints, les verts pâles
sur des échappées de paysages, éclairant aux lanternes les fleurs
de cerisier qui percent sous la neige, suffiraient à le définir.
Mais le sentiment très fort, très sensuel et très doux que les plus
grands d’entre eux même avaient de la beauté des femmes, ne suffit
pas souvent à dissimuler leurs défaillances d’expression. Occupés
qu’ils étaient à pénétrer la structure des petites choses,
peut-être n’ont-ils pas eu le temps d’analyser l’être humain ?
Quand ils parlent de lui leur langage hésite et flotte et la
formule apparaît. Les pieds et les mains, les bras et les jambes
ont des déformations et des atrophies singulières et pas toujours
très expressives, qu’on retrouve à peu près pareilles chez tous les
artistes japonais, comme s’ils s’en étaient transmis la patiente et
méticuleuse recette.
    Au XVIII e siècle, ces défaillances
de langage surprennent quelque peu. Les peintres qui parlaient de
la femme avec tant d’inexpérience et d’amour possédaient à ce
moment-là une science de la ligne touchant à l’abstraction. Chez
Morikouni (1670-1748) et surtout chez Massayoshi (1761-1824), le
dessin n’est plus qu’un schéma, une arabesque linéaire qui
silhouette le mouvement d’un trait. Le modelé puissant des vieux
maîtres de l’encre de Chine est à peine évoqué par la ligne
ondulante dont les accents noirs, sur la page blanche, suggèrent
assez faiblement la succession des plans et la fuite des contours.
L’esprit du Japon devait fatalement évoluer vers ce graphisme
prodigieux qui satisfait par sa réalisation propre, comme les
volutes écrasées, effilées ou sinueuses de leurs beaux idéogrammes,
les besoins sensuels de l’imagination, mais qui entraînent si vite
l’oubli du monde extérieur et l’abstraction pure et la mort.
    Au plein épanouissement de l’âme japonaise, du
XV e au XVII e siècle, l’intelligence du volume
qui représente, dans le langage de la forme, l’équilibre
philosophique entre les enseignements des sens et le travail de
l’esprit, l’intelligence du volume chez Motonobou, chez Kôrin
(1661-1716), dictait aux peintres leurs plus belles compositions.
Même quand l’arabesque linéaire emplissait seule la page blanche,
même quand la tache dégradée n’indiquait pas l’épaisseur et la
matérialité des choses, même alors la ligne était chez eux si
grasse et si souple, ses sinuosités et ses empâtements répondaient
si bien au modelé mouvant des organismes extérieurs, qu’elle
sculptait la forme sur le plan du papier. Pour saisir l’art
japonais au sommet de sa puissance, il faut regarder vers Kôrin.
Tous les maîtres du Nippon, de Sesshiu et Sesson à Hokusaï y
vivent, en devenir ou en prolongement. Et c’est précisément à
l’heure où le Japon se ferme pour descendre en lui-même encore et
où l’enseignement des primitifs mûrit en quelques années dans
l’atmosphère recueillie de l’unité morale et de la paix.
    L’école de Kano, l’école de Tosa réunissaient
leurs conquêtes pour donner son ossature définitive à la
sensibilité des Japonais. Mitsouoki (1616-1691) épuisait tout ce
que l’académisme de Tosa pouvait offrir à l’âme aristocratique de
la nation de plus précieux et de

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