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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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une
opiniâtre volonté d’équilibre et de rythme architectural,
l’influence dominatrice des paysages majestueux où se déroulait
l’action des Maoris et de l’effort qu’ils fournissaient pour
maintenir cette action ? Ils avaient dépassé la région
dangereuse des zones intertropicales. Le printemps perpétuel ne les
énervait plus. Leurs îles, du Nord au Sud, échelonnaient, comme au
Japon, leur climat de celui de l’Italie à celui de l’Écosse. Ils
posaient leurs villages au bord des lacs d’opale portés sur des
vasques de lave, entourés de sources froides et de geysers
bouillants, à l’abri des montagnes immenses où les volcans en feu
alternent avec les glaciers descendant jusque dans la mer, et quand
ils suivaient leurs rivières bordées de pins, elles les
conduisaient à des fjords réfléchissant les forêts et les neiges
dans les masses ténébreuses de l’Océan austral où jamais face
humaine n’avait regardé son image. Une grande civilisation, un
grand art pouvaient et devaient naître là. Les nattes de phormium
pendues aux portes des cases rutilaient de peintures ardentes, les
rochers se couvraient de fresques où revivait le bleu des glaces et
des lacs, leurs villages de bois tout entiers, avec leurs maisons
trapues, leurs grands toits très inclinés, leurs palissades de
défense, étaient des œuvres d’art fouillées de figures horribles,
tatouées comme des vivants, encadrées d’un prodigieux réseau de
lignes courbes, de spirales enchevêtrées, d’enroulements
rythmiques, épais et gras, amenant par leurs méandres calculés la
forme du visage humain, forêts de bois sculpté ayant de loin
l’aspect des fougères arborescentes, touffues et grêles, qui
couvraient le pays. Un peu de l’esprit décoratif des artistes du
Japon, mais plus impétueux et plus barbare, tout à fait dédaigneux
de la matière employée et sans cette ironie et cette minutie
d’observation qui découragent quelquefois l’enthousiasme prêt à
bondir. Un caractère farouche. Certains visages sculptés sont de
structure si abstraite et si résumée qu’on est obligé de penser,
quand on les regarde, aux plus grands maîtres de la forme, les
Égyptiens, les Grecs, les archaïques japonais, avec quelque chose
d’austère et de tranchant, une terrible pureté qui n’appartient
qu’aux Maoris.
    Aucun d’entre les Polynésiens, dans tous les
cas, n’est allé aussi haut. S’il y a, entre tous les Océaniens et
les vieux habitants de l’île de Pâques une filiation préhistorique,
c’est chez les Maoris qu’il faut voir leurs héritiers les plus
légitimes, car l’art des Maoris, aussi vivant que celui des Papous
et des autres indigènes du Pacifique, aspire encore plus que le
leur à réaliser ces édifices de géométrie animée dont l’art
hiératique des ancêtres accuse la préoccupation. Cette île, un
ancien massif volcanique, est déserte. Mais les rochers sont
creusés d’hiéroglyphes, de figures d’oiseaux, de poissons,
d’hommes. Achevés ou inachevés, plus de cinq cents colosses
s’érigent sur le rivage ou au centre des cratères morts. Ce sont
des figures terribles, massives, abrégées, les bras au corps,
presque sans crâne, avec un visage bestial, nez proéminent et
dilaté, yeux ouverts, grands plans établis à la hache, mais dont le
basalte a demandé des siècles, peut-être, à se laisser entamer.
Pourquoi sont-elles là et que signifient-elles, face à l’éternelle
mer, horriblement seules, si ce n’est notre inextinguible besoin de
nous découvrir et de nous reconnaître dans la matière rebelle ou
docile que nous fournit notre sol ? Une catastrophe sismique
dut interrompre les travaux, les isoler du monde. Il y a des outils
à leurs pieds, pas d’autres traces humaines. Où se sont-ils
réfugiés, ceux qui les avaient dressés là, d’où venaient-ils ?
À quelles sources inconnues ces hommes qui précédèrent sans doute
ces étranges races océaniennes, les mieux douées de la planète avec
les Indo-Européens et peut-être avant les Asiatiques, mais que les
circonstances ont trahi, avaient-ils étanché leur première
soif ? Sans doute les Polynésiens étaient-ils sortis de
l’Insulinde, mais cela bien avant l’histoire, antérieurement aux
civilisations indiennes. Les populations actuelles de l’Insulinde,
ces Malais qui ont aussi peuplé Madagascar, n’ont pas leur grâce
fière et forte, ni la liberté de leur vie, ni leur

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