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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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oiseaux gris qui traversent le ciel.

II
    C’est le plus intéressant effort, sans doute,
qu’aient tenté des primitifs depuis les troglodytes de la Vézère.
Mais on dirait cette peinture élémentaire condamnée à ne pas
évoluer, vouée à la disparition brutale. Les eaux tièdes ont obligé
les chasseurs de rennes à fuir l’Europe occidentale, les Bushmens
se sont dispersés à l’arrivée des Cafres, des Boers, des Anglais,
et la colonisation de l’Australie réduit de jour en jour le nombre
des indigènes qui couvraient les rochers de la grande île de
fresques noires, sulfureuses, rouges et bleues, témoignant de la
naissance d’un esprit généralisateur dont les rudiments sont
peut-être moins visibles chez les habitants de l’Afrique que chez
quelques peuples océaniens. L’art de Polynésie, comme l’art
oriental en général, semblerait avant tout tendre à la décoration,
alors que l’art d’Afrique, comme l’art européen, aurait une
tendance plus marquée à isoler la forme pour l’examiner dans son
action propre et son caractère individuel.
    Il est vrai que le climat et la nature
océanienne offrent à la sensibilité des Polynésiens des ressources
qu’on ne trouve pas en Afrique. Le morcellement de la race,
dispersée en des milliers d’îles et d’îlots que séparent d’énormes
étendues de mer, a peut-être seul empêché, en s’opposant à la
cohésion nécessaire, une grande civilisation de naître dans le
Pacifique et d’essaimer alentour. Et maintenant il est trop
tard : la conquête européenne, les maladies, l’alcool, la
morale et la religion qu’elle leur apporte les ont anémiés,
décimés, vaincus. Ils commencent déjà à ne plus sentir vivre en eux
le poème naturel qui les entoure et qui les a formés.
    Les îles où tous les germes du ciel sont venus
déposer des forêts fleuries couvrent l’océan bleu comme les
cyclades grecques parsèment, des promontoires du Péloponnèse aux
golfes asiatiques, la Méditerranés d’Orient. C’est une prodigieuse
nature, saine bien que suant la fécondité et environnée de parfums,
gorgée de fruits, gorgée de fleurs, éblouie d’oiseaux de feu et de
pierres colorées, et réfléchissant ses bois qui descendent jusqu’au
bord des eaux, dans la coupe de saphir noir incrusté de perles où
les monstres marins habitent des cavernes de corail. La belle race
au front haut qui l’habite est naturellement artiste, vivant en
plein air, en plein vent marin, parmi les formes splendides et
l’orgie brûlante des couleurs. Elle parle une langue harmonieuse,
elle aime la danse, la guerre et la musique, tresse des fleurs en
couronnes et en guirlandes et se livre à l’amour dans les sources
et le soleil. Sa mythologie est très proche, par sa grâce
triomphante, son parfum d’aurore et de ciel, son symbolisme de
cristal, des vieilles légendes ioniennes. Une vie un peu moins
facile et l’unité eussent fécondé l’avenir.
    Les dieux que les Polynésiens ont découpés
dans la matière tendre du bois pour les dresser ensuite sur le
rivage ou à la porte de leurs cabanes, sont en général plus animés
que les silhouettes symétriques taillées par les Africains.
Peut-être aussi sont-ils moins ingénument conçus et d’un art moins
sévère. Plus de tendance au style, semble-t-il, mais plus
d’adresse, et moins de force aussi. Les orbites, les lèvres, les
narines, les oreilles deviennent, dans les plus intéressantes de
ces images, le point de départ de longues lignes parallèles
profondément creusées et soutenues, de spirales et de volutes
obéissant à une intention de démonstration religieuse ou
d’intimidation guerrière où l’accord est profond et pur entre
l’esprit du mythe et son expression résumée. Ce ne sont plus des
poupées terribles par leur seule candeur. Elles sont violemment et
consciemment expressives, avec les attributs du meurtre et des
visages cruels, et les couleurs qui les couvrent sont les symboles
de leur férocité dans le combat et de leur ardeur dans l’amour.
Figures grimaçantes aux proues des longues pirogues recourbées,
colosses abrités sous les frondaisons des forêts odorantes, hommes
ou monstres barbouillés de vermillon et de vert émeraude, tous ont
dépassé le stade archaïque représenté par les statues de l’île de
Pâques, qui est à la Polynésie, peut-être, ce qu’une Égypte encore
enfouie dans le limon originel serait à une Grèce paresseuse et
trop

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