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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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rudimentaire. Et c’est peut-être même à
cause de son effroyable candeur, plans rugueux, membres courts,
têtes bestiales, mamelles pendantes, qu’il est expressif à ce
point. Ces sculptures de bois peint, bois noir où des bleus purs,
des verts crus, des rouges bruns prennent une violence si naïve
qu’elle en devient terrifiante, ont une bonhomie dans la férocité
et une innocence dans le meurtre qui commandent une sorte de
respect. La nature brute y circule, un suc brûlant, un sang noir.
Bien que l’homme en ait peur, il ne peut s’empêcher de reconnaître
et d’aimer ses impulsions concrétisées dans les crocodiles rampants
et les gorilles ramassés dont l’ébauche, indiquée à grands éclats
de bois, orne quelquefois les portes et les poutres de sa case ou
les parois de ses tam-tams.
    Comment découvrir dans la confusion et le
remous des tribus et des industries africaines des courants plus
forts que les autres et qui eussent pu, sans la colonisation du
continent par les peuples européens, entraîner peut-être lentement
les noirs vers la conquête d’un monde intérieur plus éclairé ?
Les Haoussas, les Achantis surtout se livrent à toutes les
industries premières, le tissage, la céramique, la ferronnerie,
l’orfèvrerie, la broderie, la joaillerie, la sculpture sur bois et
sur ivoire, et ceux des nègres du Soudan ou de l’Afrique
occidentale qui se laissent aller au courant de la propagande
musulmane pressentent, au contact de l’étincelle spiritualiste de
l’Islam, l’existence d’une vie supérieure et dépassent souvent
l’ouvrier berbère dans le travail de luxe du métal et du cuir. Mais
il faut remonter plus haut dans le passé de la terre obscure, la
terre massive engraissée de sang, pour retrouver les traces d’un
besoin d’ordre esthétique encore très confus, mais très affirmé,
que les immigrations noires et les invasions blanches détruisirent
chez quelques-uns des peuples africains. Chez les indigènes de
Guinée, du Niger, du Gabon, de la Côte-d’Ivoire, on trouve des
idoles, des masques de danse ou de guerre, des objets familiers,
des armes dont les prototypes remontent sans doute à une époque
très ancienne – et peut-être immémoriale – et qui souvent
témoignent d’un souci de stylisation non seulement très accentué
mais puissamment original. La synthèse plastique, ici, confine à la
géométrie. L’ensemble de l’œuvre est soumis à une sorte de rythme
schématique qui se permet les déformations les plus hardies mais
laisse toujours subsister les quelques sommets expressifs de
l’objet qu’elle interprète. Le royaume du Bénin, qui fut l’un des
premiers à recevoir les navigateurs portugais et où s’est
développée, sans doute vers la fin du Moyen Âge, la plus grande
école d’Afrique, a eu des bronziers admirables, qu’un sentiment
puissant de la vie embryonnaire rend très proches parents des
sculpteurs archaïques chinois, des Khmers, des Javanais. Ils
tordaient des serpents noirs ensemble, pour supporter des escabeaux
de cuivre sur le grouillement écailleux et rugueux de leurs nœuds
entrelacés. Leurs pots, qui prenaient souvent l’aspect très pur
d’une tête humaine, s’ornaient de sculptures trapues, rudes, très
brèves, où s’accusaient sous des formes parfois ironiques les
silhouettes familières du chien, du lion, du coq, de l’éléphant, du
crocodile. Au reste, à cette époque, au XVI e , au
XVII e siècle, l’Afrique paraissait sortir de son long
cauchemar. Les Bushmens, contemporains des nègres du Bénin, et qui
peuplaient le sud du continent, loin de l’équateur, des déserts,
des forêts du centre, là où le climat est plus sain, l’élevage
possible, le fauve moins redoutable, le gibier abondant, eussent
pu, s’ils avaient duré, imprimer à l’esprit des races nègres une
décisive impulsion. Ils vivaient plus souvent de rapines que de
chasses, mais leur vie nomade et aventureuse, en multipliant leurs
rapports avec les tribus et le sol africains, aiguisait leurs sens
et subtilisait leur esprit. Ils ont laissé sur les parois des
grottes où ils cachaient les troupeaux volés, des fresques d’ocre
rouge où vivent la chasse et la guerre, des danses, des bêtes qui
fuient ou défilent. La forme est approximative, mais la tache plate
est vivante, et les silhouettes qui ressemblent à des ombres sur un
mur marchent d’un même mouvement, bœufs pourchassés, antilopes
montant une pente, grands

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