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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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d’incendie, tout ce qui restait de la sève
antique en ses fruits empoisonnés. L’autocrate byzantin, pour
s’assurer l’appui des foules qui avaient répondu à l’appel des
apôtres de Galilée et rendu possible, en abdiquant leur instinct
révolutionnaire, l’avènement d’un régime social plus dur que le
premier, l’adopta dans sa lettre, et enjoignit aux prêtres de
changer les noms de leurs dieux. Ce fut tout. Les sophistes avaient
dévoyé l’esprit philosophique. Les conciles byzantins codifiaient
la sophistique.
    Le schisme de 1054, qui sépara du pape
l’Église d’Orient, fut la consécration du schisme politique qui
séparait l’Orient de l’Occident depuis le partage de l’Empire.
Chacune des moitiés du vieux monde reprit désormais seule sa route
vers la transformation et la refonte. Le moule romain s’offre aux
barbares au risque de se briser sous la poussée de leurs désirs.
L’hellénisme asiatisé domine l’Orient par Constantinople jusqu’à ce
que l’Orient l’asservisse par Stamboul. Les icônes orthodoxes vont
représenter l’idolâtrie grecque mourante comme les icônes
catholiques, quelques siècles plus tard, représenteront l’idolâtrie
latine renaissante.
    Quand on ouvre un de ces psautiers que les
moines grecs, entre les VI e et X e siècles,
enluminaient au fond des cloîtres, on s’aperçoit bien vite que le
christianisme est venu demander à l’idole grecque qui meurt la
consécration de la vie. Toute l’histoire du peuple juif s’y
transpose pour revêtir, sous les noms des divinités nouvelles, les
apparences de la mythologie des Grecs. David est Héraclès quand il
combat, et dès qu’il chante il est Orphée. La grande déesse est
toujours là, avec ses beaux bras, son beau visage et sa poitrine,
dans le paysage d’idylle des romans alexandrins. Au temps de la
jeunesse de Byzance, Alexandrie vit encore, la croissance de l’une
et le déclin de l’autre mêlent leurs voix confusément. Byzance, à
qui l’Asie transmet, par la Perse sassanide, l’esprit des hauts
plateaux et de la contrée des fleuves, est sensible par-dessus
tout, parce que grecque, à l’apport des artistes du delta du Nil
qui lui révèlent, en même temps que le portrait profond et maladif
de l’Égypte hellénisée, le portrait aux yeux insondables, leur
industrie décorative, la mosaïque, les guirlandes de feuillages, de
fruits, d’amours et d’animaux, dont les peintres pompéiens
décoraient aussi les murs [21] .
    Les images des manuscrits n’ont évidemment
plus rien de la fraîcheur du monde éperdu de se découvrir. Mais
c’est l’esprit grec tout de même. L’homme va vers le dieu avec une
attitude libre, toute la vie vient aboutir à lui comme à un centre
d’attraction et s’organise en groupes naturels dont les éléments
s’équilibrent. Si cet esprit est moins apparent dans les grandes
idoles peintes, dans les mosaïques rutilantes qui décorent du haut
en bas les couvents et les églises, c’est que la matière est moins
souple, les surfaces à recouvrir plus exigeantes, le parti pris
décoratif plus nécessaire et l’artiste plus surveillé. Quelquefois,
à Ravenne surtout, au contact du sol italien, les images se
disposent en tableaux mouvementés où il y a des formes qui remuent
parmi les arbres, les troupeaux, sur la mer ou sur ses bords.
Presque toujours elles sont raides, rangées parallèlement, elles
n’ont plus de l’humanité grecque que quelques inclinaisons timides
de cous et de têtes les uns vers les autres, comme une ébauche
vague de cette ondulation de flot qui bougeait au front des vieux
temples. Pourtant, l’âme antique survit dans les grands gestes
simples, le silence, les regards calmes, on ne sait quelle noblesse
et quelle majesté meurtries. L’âme antique survit surtout
puisqu’elles sont là, puisque le peuple peut prier devant elles,
puisque taillées dans l’or et l’argent et l’ivoire, incrustées de
joyaux, elles ont envahi l’autel, les chapelles, les reliquaires.
Un siècle et demi d’ordonnances impériales, d’interdictions
ecclésiastiques, de révoltes, de carnages, leurs grandes sœurs
partout brisées dans les sanctuaires, en Asie, en Grèce, aucune
menace, aucune persécution ne les chassera tout à fait. Dogmatiques
par l’immobilité, asiatiques par la matière, elles restent grecques
d’abord parce qu’elles expriment quelque chose qui peut se
transformer, se vicier, s’abâtardir mais qui

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