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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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nous
réunissons comme pour une prière autour des groupes harmonieux qui,
sur les frontons grecs, évoquent les terribles mythes d’Hercule, la
guerre des dieux et des hommes, des centaures et des lapithes, des
amazones, toujours l’égorgement, la chute des haches, le vol des
piques, les doigts crispés sur les couteaux. Les défilés militaires
des arcs de triomphe romains, le passage des licteurs, des
légionnaires, des enseignes, du sombre imperator lauré, le
piétinement des captifs, le pas sonore des chevaux nous comblent de
calme et d’énergie. Nous savons sur quels amas de cadavres
s’élèvent les mosquées et les alcazars, de quelle boue sanglante
leurs pierres sont cimentées, et pourtant nous aimons la fraîcheur
de leur ombre et de leurs jardins. Nous ressentons une ivresse
puissante devant les monstres indiens même qui boivent du sang et
dévorent des chairs pourries. C’est que le spectacle de la force
exalte notre force. C’est aussi que nous nous trompons sur le sens
de nos actes et que nous aimons les formes nécessaires au
développement de notre faculté d’ordonner et de comprendre, à
travers même les monstres composites et les tronçons mutilés, comme
nous poursuivons à travers le combat et la violence un idéal
illusoire et lointain d’harmonie et de communion. Nous tâtonnons
dans l’obscurité et heurtons douloureusement les murailles. La
porte de lumière ne se trouve jamais.
    Il convient donc de la chercher ensemble, ou
tout au moins de s’interdire d’assommer au fond des ténèbres ceux
qui la cherchent passionnément. Au Mexique, au Pérou, l’égorgement
des peuples fauchait à tout instant des pensées nécessaires au
développement d’autres pensées et coupait une à une, à mesure
qu’elles repoussaient, les racines de l’avenir. Si la guerre,
parfois, peut exalter et même révéler l’énergie créatrice d’un
peuple, le massacre systématique éteint toute énergie. L’arrivée
des Espagnols dans le Nouveau Monde, qui mettait face à face la
plus implacable des races européennes et les plus implacables des
races exotiques fut une confrontation terrible et providentielle
dans l’histoire. L’Espagne, à qui la conquête de son unité avait
donné un siècle d’élan créateur, allait s’apercevoir, grâce à
l’Inquisition, du besoin que l’homme a de l’homme pour se réaliser.
Le désert moral ne devait pas tarder à s’étendre sur elle, comme il
commençait à s’étendre sur l’Amérique quand elle en avait fait un
désert matériel en incendiant ses villes et en jetant ses idoles
brisées dans le lac de Tenochtitlan.

Byzance
    I
    Byzance a prolongé le monde antique jusqu’à la
fin du Moyen Âge. Comme elle gardait les portes de deux continents
et de deux mers, au centre du remous des civilisations déchues,
elle nourrit de ses lentes agonies sa vie violente et trouble. Elle
défendit mille ans contre les inondations humaines qui venaient du
Nord, de l’Est, de l’Ouest, l’esprit légalitaire de Rome, les
habitudes de négoce, de politique et de spéculation des Grecs, le
luxe cruel des monarchies d’Orient.
    Le culte de la sagesse, sans doute, ne se fût
pas senti très à son aise sous la coupole de Sainte-Sophie, Athènes
n’eût pas reconnu, dans les idoles raides qui décoraient l’église,
la liberté de son naturalisme religieux, ni son respect de la forme
vivante dans les mutilations atroces que la justice byzantine
infligeait aux condamnés. Le réalisme intransigeant de l’Assyrie
eût trouvé fades les images des livres de prière, et les rois
ninivites n’eussent pas compris les révolutions d’hippodrome, les
coups d’État d’antichambre et d’alcôve où la pourpre de l’Empire se
teignait d’un sang toujours frais. La Rome de la république n’eût
pas reconnu ses légionnaires dans ces gras soldats cuirassés d’or,
elle n’eût pas toléré le recul incessant de la loi devant le
caprice impérial ou les intrigues des eunuques. Pourtant, sous la
fermentation des vices, l’orgie des jeux, les cris des massacrés,
l’autocratisme convulsif obligé d’obéir aux ordres de la populace,
c’était la loi de Rome, l’opulence de Babylone, la curiosité
d’Athènes, et le seul foyer lumineux au centre de la nuit.
    Le christianisme, que les Grecs de Rome
propageaient d’autre part au moyen de l’image dans la nuit des
Catacombes, ne put ni purifier ni éteindre ce foyer où se
consumait, dans un bruit

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