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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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barrière d’argent du
sanctuaire, l’autel d’or, la tribune d’or, les six mille
chandeliers d’or, l’essaim des gemmes incrustées qui couvraient
d’un ruissellement d’étincelles l’or de la tribune et de l’autel,
des encensoirs, des croix, des statues émaillées, des châsses, des
tiares, des diadèmes, des rigides robes brochées où
s’immobilisaient les idoles vivantes, l’empereur et le patriarche,
c’était comme une énorme sphère de diamant traversée de flammes, un
resplendissement suspendu par des guirlandes de lumière. Les
paradis promis se réalisaient ici-bas.
    Et cependant, quand le temple est tout à fait
nu, comme à Périgueux par exemple, ou quand les mosaïques, par leur
ton, font tellement corps avec lui qu’on ne voit plus, dans la
pénombre rousse et chaude, rien d’étranger aux murailles épaisses,
aux piliers trapus et massifs, rien que des lignes qui s’incurvent,
des voûtes, des berceaux, des pleins cintres, une harmonie étrange
vous envahit, peu à peu. La vertu du nombre, cette mystérieuse
puissance toujours présente et agissante dans la grande
architecture, sur qui tous les maîtres s’appuient, qu’ils invoquent
toujours et ne formulent jamais, la vertu du nombre s’y impose avec
une formidable et monotone et musicale autorité. Oui, la coupole
écrasée empêche la montée du rêve, mais le rêve tourne et revient
sans cesse sur lui-même dans quelques orbes fermés, géométrie
mouvante dans l’espace qui reproduit, résume et pétrifie la
gravitation des cieux. Les sphères d’or roulent leur ronde. La
sophistique réfugiée dans les Conciles, la mathématique exilée
fusionnent en un éclair de pureté pour enfermer l’architecture dans
l’orbite obéissante des mondes silencieux.

III
    Voilà sans doute où il faut chercher la plus
haute expression d’une époque où le luxe barbare écrasait
l’intelligence réduite à s’enfermer dans la délectation solitaire
des mystères harmoniques que se transmettaient les initiés. Hors
d’eux, enchaîné d’or, immobilisé par le dogme, par les règlements
bureaucratiques qui fixaient jusqu’en leurs plus infimes détails la
vie sociale et professionnelle des corporations et des artistes,
l’art byzantin ne donna jamais sa mesure.
    L’essor pesant qu’il avait pris fut même brisé
pour plus d’un siècle par les édits de Léon l’Isaurien et de ses
successeurs qui interdisaient les images. Le culte iconolâtre ne
triompha qu’après cent ans de proscriptions, de tueries, de
vandalisme furieux. Quand les images reparurent, la tradition était
brisée, l’effort coupé dans sa racine, les artistes de Byzance
étaient dispersés par l’exil dans l’Orient voisin, en Italie et
jusqu’en Espagne et en France. Si l’art byzantin survécut, c’est
que les enlumineurs continuaient, en pleine iconoclastie, leur
travail dans les monastères, c’est qu’un renouveau d’énergie suivit
l’effort que Constantinople dut faire pour refouler l’invasion
slave et l’invasion mahométane, c’est surtout qu’avec les Croisés
un grand courant de vie la traversa. Il rayonna deux siècles
encore, peupla Byzance, Salonique, la Grèce, la Syrie de ces
basiliques à tours polygonales, si pauvres au dehors avec leurs
dômes aplatis couverts de tuiles, leur matière indigente et sèche,
mais riches au dedans d’une obscurité bleue et verte où des figures
étirées regardent avec de grands yeux. Il s’installa au berceau de
Venise, pénétra jusqu’au cœur des khalifats arabes, jusqu’à Bagdad,
jusqu’en Abyssinie où il dure encore, envahit la Russie
christianisée pour s’y combiner plus tard avec d’obscures
influences asiatiques que l’invasion mongole apporta de la Perse,
de l’Inde et même de la Chine, – coupoles d’or renflées, bulbeuses,
écrasées, allongées, effilées, tordues en enroulements rythmiques,
tournoyantes, icônes de gemmes et d’or. Partout en Europe, jusqu’à
l’heure où l’âme française, après avoir concentré aux sources de
son inspiration tous les courants venus de l’Orient grec, indou,
arabe, des Scandinaves, des Romains, commença à refluer sur
l’Occident, partout aux chapiteaux des colonnes, aux broderies de
métal, de pierre, de bois qui couvrent les rampes, les portes, les
coffrets, aux écorces d’émail des reliquaires, des ciboires, des
encensoirs, aux plis rigides des vêtements sacerdotaux, on retrouva
pendant trois ou quatre cents

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