L'assassin de Sherwood
son esprit était en ébullition. Il subodorait, à présent, la façon dont Vechey avait été empoisonné, mais il devait agir avec la prudence du serpent. Il réfléchissait encore lorsqu’il s’endormit au milieu du troisième Ave.
Les deux prisonniers relâchés par Corbett s’étaient cachés dans les champs, une fois hors de la ville. Ils souffraient le martyre à chaque pas, mais étaient décidés à mettre le plus de distance possible entre Nottingham et eux. Ils mangèrent leur peu de nourriture et se désaltérèrent à un ruisseau. Eux aussi avaient aperçu les flèches enflammées bien avant de rejoindre en clopinant le sentier, baigné par la lune, qui menait à la route de Newark. Leur joie d’avoir recouvré leur liberté s’éteignit lorsqu’ils passèrent devant le gibet et s’enfoncèrent sous les hautes futaies oppressantes. Ils s’arrêtaient parfois, le coeur battant, en entendant le hululement d’une hulotte ou le frémissement soudain des fougères au passage d’un renard traquant sa proie.
— On aurait mieux fait d’pas quitter la ville, gémit Nym.
— Sûrement pas ! marmonna son compagnon. Cette fripouille de shérif aurait pu changer d’avis et puis Robin y a beaucoup d’amis.
— Faut pas aller du côté du Sanglier Bleu, c’est tout ! répliqua Nym.
Ils marchaient l’un derrière l’autre. Nym distingua la trouée où la sente rejoignait le chemin de Newark. Mais son soupir de soulagement se mua en cri de terreur à la vue de six silhouettes furtives qui surgirent du couvert, arcs bandés.
— On n’est que des pauvres manants ! s’écria Nym d’un ton geignard.
— Vous êtes de sales traîtres, oui ! lança une voix derrière les halliers. Maître Robin vous salue bien et vous trouve coupables des délits suivants : d’abord celui d’avoir volé sans son autorisation, ensuite celui de vous être laissé capturer et enfin celui de vous enfuir en pleine nuit, comme des rats. Qu’avez-vous raconté au shérif et à ses amis ?
Nym et son compagnon étaient terrassés par une peur panique.
— On leur a rien dit !
— Ah, bien ! Dans ce cas, continuez votre route !
Les archers s’écartèrent. Les deux misérables firent un pas, puis un autre, avant d’oublier leurs souffrances et de fuir en boitillant vers le croisement.
Derrière eux, les cordes des arcs vibrèrent et la mort à pointe d’acier – huit flèches en tout – les frappa dans le dos. Ils hoquetèrent et battirent des bras. Puis, s’étouffant dans leur propre sang, ils s’écroulèrent dans l’herbe sèche, brûlée par le soleil. La bande disparut dans les taillis en abandonnant les cadavres ensanglantés sous le clair de lune.
CHAPITRE VIII
Corbett se réveilla aux aurores, le corps trempé de sueur. Il avait fait un cauchemar : sous des cieux noirs balayés par les vents hurlants, il avançait dans la poussière rougeâtre d’une plaine enserrée d’épaisses forêts vertes. À la lisière se dressait un gigantesque manoir, entièrement en fer. Corbett s’en était approché, remarquant le volet qui battait. Celui-ci s’était ouvert violemment. Une silhouette s’était penchée à la fenêtre et avait ôté son capuchon. Corbett, alors, s’était retrouvé face à un visage étroit, orné d’une barbe rousse : celui de son vieil adversaire Amaury de Craon.
— Bienvenue en Enfer ! s’était écrié le Français. Vous avez été bien long à venir !
Une fois réveillé, Corbett resta un peu au lit, s’interrogeant sur la signification de ce rêve. Il était troublé et légèrement anxieux. Il pensa à Maeve et espéra qu’aucun problème n’avait surgi dans leur manoir de Leighton. Puis il revit les flèches enflammées de la veille et se rappela la date. Il se dit que le temps filait pendant que son enquête piétinait. Au fond de la chambre, Ranulf dormait du sommeil du juste, les bras en croix. Corbett se leva en grommelant, fit ses ablutions et se rasa, puis s’habilla. Il se souvint du Craon de son cauchemar et se demanda si Achitophel, le sicaire, se trouvait à Nottingham. Il boucla son baudrier. Au loin, une cloche se mit à sonner l’office de prime, aussi descendit-il à la petite chapelle austère de la forteresse. Frère Thomas, revêtu d’une chasuble or et noir, le salua d’un sourire, du haut des marches de l’autel.
— Je célèbre cette messe des morts pour les âmes de Sir Eustace et de Lecroix. Que Dieu les accueille
Weitere Kostenlose Bücher