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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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roupillait, Jesse lui lança un manteau en chinchilla au
visage et lâcha :
    « Rassemble ton barda. On part dans le
Sud. »
    Le Sud, c’est-à-dire Richmond, qu’ils
atteignirent le 23 mars. Ils cherchèrent d’abord Bob chez Elias, dont la maison
n’était pas fermée, et le dénichèrent finalement à l’épicerie, accoutré d’un
tablier de commis, un plumeau dans la poche arrière, grimpé sur un tabouret en
bois pour empiler des bocaux de ketchup Heinz sur une étagère en hauteur. Il n’y
avait que deux clients dans le magasin : une dame qui examinait la
longueur de divers lacets pendus à un portemanteau et un vieil homme qui
traînait un sac de farine dans l’allée couverte de sciure. Bob se pencha pour
épousseter les couvercles d’une rangée de pots de compote de pommes et sursauta
quand Jesse lui annonça :
    « Tu es l’heureux élu. »
    Bob fit volte-face, manqua de se casser la
figure du tabouret et leva presque son bras devant ses yeux. Son visage se
décolora, mais il parvint à tordre sa bouche en un sourire.
    « Comment ça ?
    — Ton frère m’a dit que tu désirais te
joindre à nous. Mais peut-être que tu aimes plus cette épicerie que tu le
prétends. »
    Bob chercha conseil du regard auprès de
Charley, mais son frère était immobile à l’entrée du magasin, où il fumait une
cigarette en toussant. Bob contrefit la bravoure et l’arrogance :
    « Tu parles ! C’est sans un regard
en arrière que je me tirerai de cette taule. Ce boulot de larbin n’est pas
digne de moi ! »
    Et en guise d’illustration, il arracha son
tablier et laissa tomber son plumeau le manche le premier dans un verre à eau, puis
tandis qu’il rédigeait à l’attention d’Elias un mot qui disait : « Je
pars pêcher », il exposa à Jesse combien il était content de les voir.
    Jesse sourit.
    « Je t’ai manqué ?
    — Je pleure tous les soirs en pensant à
toi. »
    Jesse ouvrit le tiroir-caisse et s’extasia des
recettes de la matinée. Il fourra des cigares dans la poche de son gilet, apporta
des carottes à son cheval. Il était aux environs de midi et leurs trois chevaux
se mordillaient les oreilles et polémiquaient pour des histoires de prééminence ;
Charley, déjà en selle, expliquait à voix basse à Bob quel équipement il avait
prévu pour lui, ainsi que comment Jesse et lui avaient volé cette troisième
monture. Jesse ressortit en rectifiant la forme de son chapeau de feutre et ils
se turent. Jesse plaça la botte gauche dans son étrier et demanda à Bob :
    « Tu l’as repéré ?
    — Qui ?
    — Le type au milieu des peupliers avec
une longue-vue. Il nous suit depuis chez ta sœur. »
    Bob se retourna. Sa vue portait à peine plus
loin que la cour de l’école ; les peupliers n’étaient guère plus
discernables qu’une chenille verte sur le bleu pâle du ciel.
    « Tu crois que c’est le shérif ou un
détective des chemins de fer ? »
    Jesse monta en selle et dirigea son cheval
vers la gauche.
    « Ça…‘Faut y soulever la queue pour faire
la différence. »
    C’était, se trouvait-il, leur frère Elias. Il
les suivit pendant trois kilomètres sur la route de Kearney et en inféra qu’ils
feraient halte chez la mère de Jesse ce soir-là, mais pour des raisons connues
de lui seul, dont, sans doute, en premier lieu, la réserve, il omit de faire
part de cette information au shérif Timberlake et lui communiqua seulement que
les trois hommes s’étaient éloignés en direction de l’ouest.
    Johnny Samuels, enfoncé
au milieu d’oreillers sales, salua faiblement son légendaire demi-frère venu, pensa-t-il,
présider à sa lente agonie. Il passa la plus grande partie de l’après-midi à
somnoler fiévreusement, ne se levant que pour uriner dans un seau en fer que
lui tenait Charley. Il ne reconnut pas les Ford et ne leur parla pas ; il
ne paraissait pas en possession de tous ses esprits. La santé mentale de Reuben
déclinait elle aussi et, pendant toute la fin de l’après-midi, il demeura
accoudé au rebord de la fenêtre, un pèle-légumes sur les genoux, avec des
mitaines, enseveli sous un châle mangé par les mites et quatre ou cinq manteaux.
Zerelda prépara à manger de sa main gauche valide et caressa la joue de Jesse
avec le moignon de son poignet droit, materna son fils, pleura pour lui, et
interrogea le plafond – Comment pourrait-elle continuer à vivre sans Jesse ?
N’aurait-il pas mieux valu qu’elle ne se fut pas

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