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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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du tout mariée ? –, puis
Jesse – Avait-il seulement pris en considération sa pauvre maman quand il avait
choisi la condition de criminel ? Les divagations de Zerelda fourmillaient
à tel point de récriminations, d’insultes et de suppliques, de pleurs, de
geignements et de protestations d’amour passionnées que Bob et Charley s’émerveillaient
que Jesse pût rester chez elle plus de quelques minutes et, a fortiori, plus
de quelques heures ; et pourtant, tel était le cas. C’était une géante, elle
mesurait dix centimètres de plus que lui, mais elle le faisait paraître plus
petit encore, et voûté, et démoralisé. Elle l’obligeait à l’embrasser sur la
bouche comme un amant, puis à lui oindre le cou et les tempes d’huile de myrte
pendant qu’il lui professait son affection et lui confessait ses faiblesses et
ses défauts.
    Puis à six heures, au moment du repas, elle s’était
focalisée sur les Ford et avait requis leur opinion ainsi que des explications :
pourquoi voulaient-ils accompagner Jesse ? Qu’espéraient-ils y gagner ?
À cette dernière question, Bob répondit que chez eux, ils craignaient pour leur
sécurité, car avec la récompense offerte, toute la crapule du comté en avait
après la bande des frères James.
    Zerelda dévisagea Bob en ruminant ses légumes
entre ses gencives, les lèvres saillantes comme le fermoir d’un porte-monnaie. Elle
se tourna vers Jesse.
    « Je ne sais pas à quoi ça tient, mais
même assis sans bouger, ce gamin a le don de m’exaspérer autant que des marmots
qui balancent des cailloux partout. »
    Une petite cuillère dans la bouche, Jesse
observa Bob de l’autre côté de la table. Sa mère recouvrit la dextre de Bob de
sa main gauche aux doigts épais et dit :
    « Je veux que tu jures devant Dieu que tu
es toujours l’ami de Jesse.
    — Aussi vrai que j’espère être pardonné
dans l’au-delà, je préférerais encore mourir plutôt qu’il arrive malheur à
votre fils.
    — Relis l’épître de Saint Paul aux
Galates, répliqua-t-elle. Chapitre six. “Ne vous y trompez pas : on ne se
moque pas de Dieu et l’on récolte toujours ce que l’on a semé.” »
    Après le repas, Charley et Jesse firent une
partie de dames sous le regard de Johnny qui les contemplait avec l’apathie et
la langueur des mourants. À neuf heures, le Dr Samuels prit appui sur les bras
de son fauteuil et se mit debout en récitant d’un air pénétré, comme s’il
venait d’inventer ces mots :
    « Je vais me coucher, l’avenir appartient
à ceux qui se lèvent tôt. »
    Zerelda déclara qu’elle allait suivre le bon
conseil de Reuben et rangea son tricot dans sa corbeille à couture. Elle
éteignit deux lampes à pétrole, couvrit le feu avec une planche calcinée et
baisa Johnny sur les deux paupières.
    Son troisième fils empila les pions du jeu de
dames dans un verre, puis tandis que Charley regroupait ses affaires en vue de
la chevauchée nocturne, Bob vit Jesse se glisser dans la chambre de sa mère
pour lui souhaiter bonne nuit.
    Bob entraperçut Mrs Samuels lorsque Jesse
poussa la porte. Elle avait un filet à cheveux noir sur la tête ; le
docteur pressait une bouillotte rouge contre son cou afin de soulager ses
douleurs, les paupières si serrées que son visage entier était plissé. Zerelda
voulut savoir si Jesse souffrait de maux de foie et si c’était pour ça qu’il
était aussi lugubre et Bob l’entendit répondre :
    « Je crois que je ne suis tout simplement
pas dans mon assiette ce soir. Je n’ai pas trop le moral. » Il y eut un
silence lors duquel l’expression ou l’attitude de Jesse dut changer, puis il
reprit, mélodramatique : « Peut-être ne te reverrai-je plus jamais… »
    Cela ressemblait plus à une réflexion calculée
qu’à une prémonition spontanée – une réflexion destinée à stimuler les
outrances de sa mère, ou encore à être surprise.
    « Non ! Non ! Non ! »
s’écria Zerelda.
    Elle se mit à pleurer sans retenue, à implorer
l’intercession des anges ou des saints et Bob fonça jusqu’à Charley qui, dans
un coin de la pièce, effeuillait des colchiques dans un vase en porcelaine.
    « Il sait », chuchota Bob.
    Charley ne se retourna pas.
    « Il sait quoi ?
    — Que j’ai discuté de lui avec le
gouverneur. »
    Charley jeta par-dessus son épaule un regard
renfrogné à son frère, empreint non pas de mauvaise conscience, mais de
préoccupation lancinante et de

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