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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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inédite concernant la vie
et le caractère du défunt. »
    Cet exorde guindé et politique déçut un
certain nombre de journalistes, qui devinèrent qu’il n’y aurait pas matière à
article et poussèrent un soupir audible avant de s’affaisser sur leurs bancs
tandis que Martin compulsait le Livre.
    « Le texte que j’ai choisi aujourd’hui
est le chapitre vingt-quatre de l’Évangile selon saint Matthieu, verset
quarante-quatre : “Voilà pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est
à l’heure que vous ignorez que le fils de l’homme va venir.” »
    Ce fut un sermon amorphe, dépourvu d’inspiration
et d’imagination, qui se focalisait sur l’inéluctabilité du tombeau, la
nécessité de se repentir et le salut des justes. Zee James renifla à peine, mais
Mrs Samuels sanglota, chancela, roula les yeux vers les poutres du toit en
geignant, au bord de l’évanouissement, puis, à l’issue de l’office, usa du Dr
Samuels comme d’une béquille et se livra à une sortie spectaculaire en se
martelant la poitrine.
    Seuls les plus proches du clan des James et
des Samuels étaient invités à la ferme de soixante hectares située à environ
cinq kilomètres de Kearney, car Mrs Samuels craignait que l’agitation
dérangeât son fils Johnny. Néanmoins, en dépit des instructions du pasteur, plus
de quatre-vingts personnes suivirent le cercueil sur la route de Greenville, auxquelles
s’ajoutèrent bien d’autres venues de tout le voisinage qui patientaient dans la
cour.
    D’anciens soldats confédérés avaient taillé
dans l’humus une tombe de deux mètres de profondeur au milieu des racines au
pied du bonduc depuis lequel des miliciens yankees avaient pendu le Dr Reuben
Samuels. La sépulture était assez près de la fenêtre de la cuisine pour que Mrs Samuels,
méfiante, pût sans mal s’assurer que nul ne dérobait le corps. On montra encore
la dépouille de Jesse à Johnny, puis on déposa la bière sur deux chaises, dehors
à l’ombre afin que toute l’assemblée pût voir Jesse reposer en paix.
    Submergées de chagrin, mère et épouse se
jetèrent sur le cercueil, prises d’hystérie, et implorèrent Dieu de venger cet
homme assassiné par un lâche pour de l’argent. On convainquit en douceur les
deux femmes de se relever, mais Zerelda Samuels s’arracha aux mains qui la
retenaient et, persuadée de quelque supercherie, exigea qu’on rouvrît la bière
afin de vérifier si les bras et les jambes de son fils n’avaient pas été coupés
et remplacés par des membres en cire. Le shérif Timberlake alla
consciencieusement chercher un tournevis, mais on le rappela, car le pasteur
Martin avait réussi à la calmer en lui exposant avec un art consommé l’arithmétique
en vertu de laquelle nos altérations et nos déficiences étaient compensées au
Paradis. Et alors que l’assistance se lançait dans « We will wait till Jesus
Comes » – « Nous attendrons que Jésus revienne » –, le cercueil
s’enfonça dans la tombe avec des à-coups, retenu par des cordes, et on le
recouvrit peu à peu de terre.
    Pendant ce temps-là,
la vie de Charley et Bob prenait un tour glorieux. Le directeur du Théâtre
Comique de Kansas City leur offrit cent dollars par soir pour représenter l’assassinat.
Les visiteurs de passage en ville, qui auparavant se fussent peut-être bornés à
jeter un coup d’œil au siège du Pony Express, fondé à St Joseph vingt-deux
ans auparavant, battaient désormais patiemment le pavé devant la prison, dans l’attente
d’être autorisés par le shérif Thomas à voir « l’homme qui a descendu
Jesse James ». Ils étudiaient Bob comme s’il se fût agi d’un phénomène
digne du Grand Hippodrome de P. T. Barnum et manifestaient un ravissement
démesuré lorsque le jeune homme levait les yeux de sa lecture ou leur faisait
une remarque insignifiante.
    La clientèle de Bob était même perçue comme
une source de publicité favorable, comme en atteste cette réclame dans un
journal de la semaine : « Bien que cela ne soit pas documenté, il est
de fait qu’il y a quelques jours, sous le pseudonyme de Johnson, Ford, le tueur
de Jesse James, a acheté un élégant costume chez Boston, le célèbre magasin de
nouveautés à prix unique, au 510 Main Street ; ceci étant dit non pas pour
suggérer un lien quelconque avec son exploit, mais simplement pour illustrer
que tous ceux qui aspirent à l’élégance ou à porter des vêtements

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