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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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étouffé et le reste de l’assistance
rit nerveusement, car le visage de Bob était sévère et mauvais, sa bouche déformée
par un rictus amer et dédaigneux, ses yeux pleins d’un mépris cruel. Il laissa
retomber son bras droit et le malaise de la foule se dissipa ; il renfonça
le revolver dans son étui et s’attarda devant la rampe, de marbre, toisant le
plus grand nombre possible de spectateurs. « Et si l’on acclamait bien
fort ces deux courageux jeunes gens ? » fit le comique et Bob et
Charley quittèrent la scène sous des applaudissements qui leur firent chaud au
cœur.
    « Tu me surprends, Bob », commenta
Charley.
    Bob s’écroula dans un fauteuil avec un sourire
extatique.
    « J’ai été vraiment bon, pas vrai ? »
    Plusieurs professionnels du spectacle présents
dans la salle estimèrent que Bob avait des aptitudes en tant qu’acteur et l’encouragèrent
à apprendre les arts de la scène. Il supplia donc qu’on le libérât de cellule l’après-midi
afin de pouvoir assister aux matinées théâtrales du Tootle’s Opéra House, un
music-hall de St Joseph, de manière à mimer le style du premier rôle
masculin et à faire siennes ses gesticulations, si incongrues fussent-elles. De
sorte que, au lieu de se préoccuper de son procès imminent dans le comté de
Buchanan ou de l’enquête du coroner concernant la mort de Wood Hite, comme il
eût mieux valu aux yeux de la plupart des gens, Bob était de plus en plus ébloui
par Miss Fanny Davenport, qui jouait Lady Teazle dans une comédie de mœurs
intitulée L’École du scandale.
    Le vendredi 14 avril,
Henry Craig arriva de Kansas City en compagnie du colonel John Doniphan, avocat
et orateur de premier plan, qui venait de plaider dans le cadre du procès de
George Burgess à Platte City (lors duquel celui-ci s’en était tiré avec une
peine d’emprisonnement de cinq ans). Doniphan était un homme austère et
misanthrope, qui n’avait ni bienveillance ni grande estime pour les Ford, bien
qu’il eût accepté de les défendre. Assis à côté de Charley sur un lit de camp
dans la cellule, il écouta avec attention Craig guider Bob tandis que celui-ci
récapitulait sa conversation avec le gouverneur lors de leur rencontre à l’hôtel
St James, puis les tours et détours qui avaient débouché sur l’exécution
de Jesse James et leur inculpation pour meurtre avec préméditation. Puis Craig
mit un terme à ses interventions et se rassit ; Doniphan croisa ses
longues jambes.
    « Comment vivez-vous votre situation ? »
s’enquit-il.
    Bob échangea un regard avec Charley.
    « Je dors sur mes deux oreilles », déclara-t-il.
    Doniphan énuméra alors aux Ford quels étaient
leurs problèmes : ils ne disposaient d’aucun accord écrit avec le
gouverneur, or Crittenden courait le risque d’être inculpé pour association de
malfaiteurs et l’opinion publique était susceptible de l’amener à reconsidérer
ses engagements envers les Ford. Et s’il niait leur avoir promis sa grâce, comme
il l’avait déjà fait à plusieurs reprises dans la presse ? Charley et Bob
n’étaient-ils pas des fauteurs de troubles qui ne méritaient pas la moindre
rémission ? Quel poids auraient les allégations de deux voyous à la
gâchette facile pour les jurés ? Et dans quelle disposition leurs
partisans eux-mêmes se retrouvaient-ils, à présent que l’on avait découvert le
corps en décomposition de Mr Hite sur la propriété de leur sœur ?
    Charley fusilla Doniphan du regard durant tout
cet inventaire, puis, une fois que l’avocat eut fini, lança :
    « Vous voulez que je réponde à ces
questions ? »
    Doniphan se tut.
    « Je vais parier que le gouverneur fera
le bon choix. »
    Le colonel Doniphan rangea son crayon.
    « Vous feriez mieux d’espérer que non. »
    Le procès débuta le lundi 17 avril. La salle d’audience
du premier étage était aussi bondée que le 3, mais la manière dont les Ford se
frayèrent un chemin à travers la cohue manqua cette fois-ci de noblesse. Charley,
de mauvaise humeur, repoussait tous ceux qui le collaient d’un peu trop près ;
Bob souriait, mais il était tendu et alors qu’il visait à exprimer l’aplomb et
le courage, son attitude fut interprétée comme de l’arrogance.
    Tant pour des motifs politiques que pour des
raisons de prestige, le colonel Doniphan ne tenait pas à défendre les Ford seul,
aussi avait-il sollicité le concours de William Warner et W. A.

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