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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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s’affrontaient en duel. Bob terrassait à nouveau le lion, tous
le félicitaient pour son courage ainsi que son adresse au tir, puis le drame
était inexplicablement oublié et Bob se lançait dans une démonstration au
pistolet, dégommant avec des cartouches à blanc des pommes qu’un machiniste
faisait sauter de la bouche de Charley, grâce à des ficelles.
    Charley qualifia la tournée de « vraie
partie de plaisir » et avança des recettes hebdomadaires de neuf cents
dollars, mais elles ne s’élevaient en fait qu’à une fraction de ce chiffre et, à
mesure qu’ils se déplaçaient vers l’Ouest, les auditoires devant lesquels ils
se produisaient se firent de plus en plus apathiques, voire hostiles. Le 26
septembre 1883, à Louisville, Kentucky, les fondateurs de la Great Western
Novelty Troupe eurent l’agréable surprise d’apprendre que la représentation au
Buckingham Theatre se déroulerait à guichet fermé et que les places assises
dans les allées et dans le poulailler avaient été vendues au même prix que celles
des loges. Ce fut seulement quand le rideau se leva que Bob comprit que la
foule était là pour le siffler et le huer à chacune de ses répliques ou pour
jeter des détritus sur scène ; lorsqu’il pointa avec inquiétude son arme
sur Jesse, ce fut l’émeute : d’après Bob, l’assistance se précipita vers
la rampe en le traitant de chien et d’assassin et des gamins grimpèrent sur
scène pour saccager le décor en chansonnant Bob comme dans une cour de
récréation.
    Quand Bob regagna son hôtel ce soir-là, on lui
remit une lettre non signée relatant une version de la vie de Judas qui n’avait
jamais été acceptée dans le canon de la Bible. Selon ce texte, le disciple du
Christ avait survécu à sa tentative de pendaison afin de servir d’exemple d’impiété
aux yeux du monde. Il devint énorme, grotesque, son visage se mit à ressembler
à une outre pleine de vin, ses yeux se renfoncèrent si profondément dans son
crâne afin d’échapper à la lumière du soleil qu’ils étaient indiscernables même
pour un médecin, son pénis grossit et devint immonde, repoussant, source de
détestation, du pus et des vers se mirent à s’en échapper, ainsi qu’une telle
pestilence qu’il ne pouvait jamais séjourner bien longtemps dans un village
avant d’en être chassé. Après maintes souffrances et moult châtiments, Judas
mourut là où était sa place et, d’après le récit, il était impossible d’approcher
de cette région, car la puanteur qui émanait du corps de l’apostat était si
grande qu’elle se communiquait à la terre.
    Hormis un engagement
d’un mois dans le cadre du Plus Grand Spectacle du Monde de P. T. Barnum, les
frères Ford abandonnèrent le domaine du divertissement en 1883 et leur troupe
se dispersa au gré de divers autres projets tandis que Bob et Charley se
mettaient en quête d’existences plus discrètes – ce qui devait s’avérer
problématique, voire impossible, comme pour beaucoup de ceux qui, par le passé,
avaient côtoyé Jesse James.
    Bob allait sur ses vingt-deux ans quand il
revint à Kansas City pour y vivre en tant que joueur professionnel. Il était
fringant, séduisant, plutôt riche et psychologiquement atteint. Selon ses
calculs, il avait alors assassiné Jesse plus de huit cents fois et chacune
avait été étonnamment semblable à la première : il soupçonnait que
personne dans l’histoire de l’humanité n’avait encore si souvent et
publiquement répété un même acte de trahison et que nul déploiement d’affliction
ou de repentance ne pourrait changer l’antipathie de tout le pays à son égard.
    Il se disait qu’il eût pu se suicider dans le
pavillon le 3 avril, serrer le canon fumant du revolver entre ses dents, presser
la détente et se faire sauter le crâne, repeindre du rouge de ses regrets le
papier peint contre lequel il se fût hideusement effondré, mais même cela eût
pu être perçu comme une marque supplémentaire de lâcheté. Il se dit qu’il eût
pu ne pas implorer la clémence du gouverneur et mourir pendu le 19 mai, mais, même
en descendant ainsi dans la tombe la corde au cou, on ne lui eût, subodorait-il,
pas davantage pardonné qu’à Judas. Aussi Bob embrassa-t-il le rôle de renégat, de
scélérat, ne condescendit-il jamais à faire acte de contrition, ne se
débattit-il avec aucun fantôme, n’attendit-il jamais la moindre compassion, ne
toléra-t-il jamais le

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