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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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qu’elles disparaissaient dans le ciel, comme
si le témoignage de ses sens n’était pour lui qu’une laborieuse description et
que la présence des oiseaux ne lui avait pas encore sauté aux yeux. Il s’attardait
sur des choses ordinaires – le doigt noueux d’une racine d’orme émergeant de la
terre, les traces en forme d’as de pique laissées par les fers d’un cheval de
trait dans un champ de maïs boueux, une clairière constellée d’empreintes de
lapin, un corbeau qui fendait l’air près de son oreille. Tom perdit de vue son
compagnon maladif dans les bois, puis le retrouva, à l’issue d’une absence
prolongée, fusil cassé sur le bras, qui rentrait chez lui, traînant son pied
bot derrière lui d’une démarche saccadée. Tom l’interpella pour savoir si
quelque chose n’allait pas, mais Charley ne répondit rien.
    Il appuya son fusil au pied de l’escalier et
sourit à sa mère en montant au premier étage, où il avait sa chambre. Il
suspendit à un clou dans le placard son lourd manteau de chinchilla ainsi que
son chapeau à larges bords. Quoiqu’il y eût divers bouts de papiers et crayons
dans la pièce, il ne rédigea aucune lettre d’excuse ou d’adieu. Il retira un
Colt calibre .45 du ceinturon râpé pendu à l’une des colonnes de lit et s’allongea
sur le matelas en plumes de canard sans ôter ses bottes mi-mollets, croisa les
chevilles, recoiffa ses cheveux brun foncé de la main. Il tressaillit au
contact du guidon de l’arme sur sa poitrine, puis pacifia son cœur d’une balle
et le pistolet glissa à terre tandis que de la fumée s’élevait de la marque de
brûlure sur sa chemise.
    De nombreux journaux se firent l’écho de son
suicide et la cérémonie privée qu’eussent souhaitée les Ford se transforma, sous
l’effet des circonstances, en grand rassemblement public. Aucun représentant
officiel de l’État ne lui rendit de dernier hommage, mais Henry Craig et le
shérif Timberlake assistèrent aux funérailles, de même que Dick Liddil, dont la
libération de prison venait d’être négociée.
    Bob fut harcelé de questions quant aux raisons
pour lesquelles Charley s’était donné la mort par d’innombrables curieux, dont
certains tâchaient manifestement de le jauger afin de deviner si lui aussi
chercherait à se dérober à l’opprobre et au blâme par le même procédé que son
frère aîné. Bob réagit avec emportement à ces sollicitations et se fraya un
passage à travers la foule présente à la réception avant de s’enfoncer dans les
bois pour tirer sur des grives posées sur un arbre.
    Et pourtant il demeura une année encore à la
ferme du comté de Ray, à jouer aux cartes avec sa sœur et Dick, à réaliser des
tours de prestidigitation avec Ida pour public, à baguenauder à la maison, à
faire les foins, à épanouiller le maïs avec son frère Wilbur ou à saigner les
porcs et les poulets. Mais les regards scrutateurs des passants et le mépris de
tout Richmond se révélèrent trop tenaces et, au cours de l’été 1885, Bob partit
pour l’Ouest afin de s’y bâtir une nouvelle réputation.
    Elias Ford vendit son épicerie et acheta une
ferme aux environs de Blue Springs qu’il exploita en toute simplicité avec
Wilbur, comme n’importe quel agriculteur. Martha quitta la propriété du vieil
Harbison peu après le départ de Bob et déménagea à Excelsior Springs afin de
vivre chez sa sœur jumelle Amanda. Dick Liddil était alors toujours le galant
de Martha, mais elle commençait à se lasser de lui. Son allure n’était plus
aussi exemplaire, il perdait la vue de son œil louche, le droit, qui était parfois
aussi rouge qu’un radis, et, dans l’intimité, il chuchotait à Martha que Jesse
leur avait jeté un sort et que dorénavant tout ce qu’ils entreprendraient était
destiné à échouer. Aussi Martha se sépara-t-elle de lui vers la fin des années
quatre-vingt et accepta-t-elle la demande en mariage d’un homme dont la
personnalité et la profession étaient quelconques, mais stables. À l’exception
de Bob, les Ford furent ainsi tous identiques à cet égard : ils achevèrent
leur vie pacifiquement et disparurent de l’Histoire.
    John Samuels, qui
avait oscillé entre la vie et la mort pendant quatre mois se rétablit sitôt son
demi-frère Jesse en terre et fit au monde l’offrande d’une vie insignifiante
avant de mourir à l’âge de soixante et onze ans, en 1932.
    Les séquelles mentales du Dr Reuben

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