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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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de son pressentiment dans tout ce qu’il entreprenait. Il avait
investi dans les matières premières et dissipé de telles sommes qu’il en avait
été réduit à déblayer des gravats et des détritus à la semaine. Il avait négocié
du maïs, mais s’était vu dépossédé du fruit de ses efforts par un riche
propriétaire terrien du nom de Johnson qui n’avait pas la moindre idée de l’identité
réelle de J. D. Howard et ne prêta pas attention à ses lettres de menaces.
Il s’était rendu à Chicago pour assassiner Pinkerton, mais toutes les occasions
qui s’étaient présentées lui avaient paru fourbes ou déshonorantes (il eût rêvé
d’un duel à l’aube avec des pistolets à silex ; seule s’offrit à lui la
possibilité d’attentats hasardeux – alors que Pinkerton sortait d’immeubles ou
de fiacres – ou encore peu convenables – alors que Pinkerton dînait au
restaurant avec des détectives et leurs compagnes : du sang eût giclé sur
la livrée du serveur, Pinkerton eût entraîné la nappe dans sa chute, les hurlements
eussent fait voler la vaisselle en éclats) et Jesse était donc rentré chez lui
découragé pendant que les limiers de Pinkerton et les forces de l’ordre locales
continuaient à donner la chasse aux frères James dans quatre États différents.
    Il était en proie à des migraines aussi aiguës
que des coups de pic à glace derrière les yeux. La maison, environnée de hauts
buissons et d’arbres bas, baignait dans une sinistre pénombre crépusculaire
tous les après-midi, que Jesse passait assis seul, immergé dans ce calme
oppressant comme un meuble brisé jeté au fond d’une lagune obscure. Il avait
acheté un appareil conçu pour peler les pommes, qu’il démontait, huilait, puis
remontait fréquemment, mais ses fusils s’encrassaient, ses chevaux s’amaigrissaient
dans leurs stalles, il portait les mêmes habits des semaines d’affilée. Il
était pareil à un handicapé en fauteuil roulant, à un homme amoindri par une
congestion cérébrale : il s’exprimait de manière inarticulée, il ne
remarquait ce qui se produisait autour de lui qu’avec quelques secondes de
retard, son cou semblait trop frêle par rapport à sa tête et son regard
retombait constamment sur ses ongles cassants. Puis soudain il s’éveillait, métamorphosé,
ses mouvements s’affolaient, son esprit s’électrisait, ses propos se teintaient
de sournoiserie et de sarcasme, si bien que lorsqu’il s’absentait pour
participer à des ventes aux enchères de bétail et de fermes ou à des courses de
chevaux – ou n’importe où ailleurs – Zee se sentait soulagée et accueillait le
Dr Vertrees comme un sauveur.
    En février 1878, Zee donna naissance à des
jumeaux qu’elle baptisa Gould et Montgomery en l’honneur des deux docteurs qui
les avaient mis au monde et s’étaient occupés d’eux jusqu’à ce qu’ils meurent
au berceau, comme c’était alors fréquent. À la même période, Annie accoucha du
petit Robert Franklin James que Zee eut la maigre consolation d’allaiter quand
le lait d’Annie venait à manquer. Mais le chagrin de Jesse fut immense. Il s’estimait
responsable de leurs déboires et il arrivait que, la nuit, Zee se réveillât et
découvrît son mari assis au bord du lit, dans sa chemise de nuit froissée, entortillée
autour de lui, froncée à la taille, révélant une fesse blanche, la bible
annotée de son père entre les mains.
    Il commença à se faire appeler Dave, un surnom
d’enfance auquel Zee ne s’était jamais vraiment habituée, et à recevoir à la
maison des hôtes grossiers du Missouri : Tucker Bassham, Whiskeyhead Ryan,
un voleur de chevaux bel homme du nom de Dick Liddil, un ancien soldat
confédéré du nom de Jim Cummins et le frère de Clell Miller, Ed. Zee les voyait
tous d’un mauvais œil, mais elle ne fit à Jesse aucune recommandation à leur
égard, car ils semblaient lui apporter quelque chose qu’elle ne pouvait lui
donner – d’autant qu’elle était de nouveau enceinte – et ne désirait rien tant
qu’une vie stable à Nashville.
    Elle savait que Frank James s’en tirait plutôt
bien : ses verrats sélectionnés avaient remporté le premier prix lors d’une
foire dans le comté ; une fois les récoltes terminées, il fabriquait des
seaux en cèdre pour le compte de la Prewitt-Spurr Lumber Company ; il
était inscrit sur les listes électorales et comptait parmi ses amis le shérif
du comté de

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