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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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inquiétude – ou torture de
l’esprit – qui agite les justes quand le monde autour d’eux n’est plus
dans l’harmonie et la sérénité.
    — Maligou, dit mon maître, si tu possèdes en ta
basse-cour deux populations de poules et de poulets, que l’une loge en ta
chaumière, et l’autre dans la cour, tu n’as pas moins d’intérêt pour l’une ou
l’autre ?
    — Non, Moussu Pierre, répondit la Maligou, les sourcils
froncés, et dont on devinait la cervelle en grande agitation, à tenter de
deviner ce que cette fable signifiait.
    — Si tes poules et poulets logent dans la chaumière en
vertu de leur choix et que, pareillement, ceux de la cour sont hors des murs
parce qu’ils l’ont ainsi décidé, tu t’accommodes de cela car tu aimes à laisser
poules et poulets maîtres de leur destin.
    — Sans doute, Moussu Pierre.
    — Imagine à présent que le loup rôde alentour, ne
fermerais-tu illico la porte de ta chaumière pour mettre hors de portée de la
terrible gueule ceux des poules et poulets qui s’y trouvent ?
    — Si fait, Moussu Pierre.
    — C’est ce que décide, pour le bien de tous céans,
monsieur mon père. Et encore ne s’agit-il pas ici de clore la porte mais
d’accompagner les sorties pour atténuer les périls.
    Un léger brouhaha suivit cette explication et je n’étais
point tant sûr que celle-ci convaincrait son monde, car elle laissait intacte
la rhétorique de la Maligou, et la faille qu’elle avait soulevée n’y était mie
disputée. La Maligou ne fut pas longue à s’en rendre compte et crut, bien à tort
comme la suite le montra, avoir partie gagnée.
    — Et ceux de la cour adonc, on les laisse au
loup ? s’écria-t-elle en jetant des regards triomphants autour d’elle,
cherchant approbation.
    — Voilà pourquoi, Maligou, reprit mon maître,
j’affirmais que tu parles d’or, car il y a les poules et poulets du dehors en
cette affaire.
    — Oui-da, dit la Maligou très à l’agressive, vous n’y
pensez oncques aux poules et poulets du dehors !
    — Et voici pourquoi derechef je te pose une question.
Pour ceux du dehors, la Maligou, point ne tenterais-tu de les faire entrer
dedans afin que de les mettre avec les autres à l’abri du loup ?
    — Si fait.
    — Et vois-tu autre manière d’agir ?
    — Non point.
    Mon maître eut un fin sourire, lança un bref regard à son
père qui oyait cela sans piper, et reprit sans tarder, afin de porter
l’estocade, mais s’adressant cette fois à tous et non plus à la seule
Maligou :
    — Voilà bien le message de la Maligou, que je tenais à
ce que tous ici comprennent, et que je soutiens, car il est entièrement frappé
au sceau du bon sens et de la justice. Nous ne pouvons laisser ceux du dehors
sans leur demander de nous rejoindre afin qu’ils soient en sûreté derrière nos
fortes murailles.
    Et se tournant vers son père, lequel fort bien comprenait la
farine utilisée, mon maître ajouta avec des yeux rieurs :
    — N’est-ce pas, monsieur mon père, que la Maligou dit
juste et qu’il faut urgemment prévenir ceux de Gorenne et ceux du Breuil que
nous leur ouvrons grandes nos portes, s’ils le souhaitent.
    Se faire le porte-parole de la Maligou, après l’avoir
amenée, par une ruse à sa façon, à énoncer une conclusion tant différente de
celle qu’elle avait défendue auparavant, me remplit d’admiration pour mon
maître. La Maligou en restait bouche bée, muette et stupide, embrouillée, ne
sachant plus bien où elle en était, d’autant plus qu’elle paraissait conserver
vis-à-vis des autres une position enviable puisqu’il semblait qu’on reprenait
ses idées et les défendait auprès du baron.
    — Si fait, mon Pierre, fit le baron, cette opinion de
la Maligou n’est point à délaisser et doit être suivie. Il n’y aurait pas de
logique à protéger les uns sans chercher à soutenir les autres, d’autant que
ceux du dehors nous sont chers et sont, comme vous le savez tous, d’anciens du
dedans, hormis Jonas.
    Ces paroles tombèrent au milieu d’un grand silence et
personne n’y ajouta rien, car c’eût été grande vergogne que de ne vouloir
soutenir ceux du dehors en contestant protection et refuge en Mespech.
    — Pierre, poursuivit le baron après avoir longuement
considéré l’assistance comme s’il avait attendu que chacun s’exprimât, je te
confie la mission, dès demain, à la première heure, de visiter nos amis, et de
leur proposer

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