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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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assistance comme il en vient d’être décidé. Et point ne néglige de
prendre Miroul avec toi. Dieu veuille en sa grande bénignité que celui-ci n’ait
pas derechef à lancer le cotel !
     
    C’était pure forme que cette mission car ni le baron ni mon
maître ne doutaient que ceux du dehors, tels Cabusse, Coulondre ou Jonas,
refuseraient tout à plein cette offre, aucun n’étant de nature à se laisser
intimider et bien de taille à se défendre hardiment, du moins le
supposeraient-ils. Pour ma part, ayant vécu l’émotion de Marcuays, je n’en
étais point si sûr car la traîtrise peut vaincre en tout lieu et à tout moment,
et ces gueux, certes peu nombreux, ne sonnaient pas trompettes avant que de
commettre leur forfait.
    En cette plaisante équipée, Samson se joignit à nous, à la
demande du baron, qui jugea que trois gaillards valaient mieux que deux, mais
aussi – pensai-je – pour bien montrer à tout le domestique les
précautions qu’il prenait et par là donc le sérieux des menaces et des risques
encourus. Il nous demanda d’emporter chacun deux pistolets dans nos fontes, ce
qui nous donnait une puissance de feu assez considérable, propre à mettre à
vaudéroute les gueux enguenillés et mal armés qui rôdaient alentour.
    Au moment de notre département et lors que nous étions tous
trois en selle auprès de l’écurie, mon maître se tourna vers Samson et,
contrefaisant le ton et l’attitude de Cabusse, il le questionna à
l’abrupt :
    — Samson, si un maraud te fonce sus, la pique levée et
prêt à t’embrocher, que fais-tu ?
    — Je me défends, Pierre, répondit Samson avec
simplicité et qui, ne relevant l’humour de cette imitation, s’étonnait du ton
de son frère.
    — Certes, Samson, tu te défends. Et comment donc te
défends-tu ?
    — Avec mes armes.
    — Mais quelle arme, Samson, si la pique est pointée
vers toi et que le gueux s’élance comme un cabri ?
    — Le pistolet ?
    — Oui, Samson, avec le pistolet, que tu lui décharges
sans remords ni réflexion dans le buffet. Sinon ?
    — Sinon ? répéta Samson sans comprendre.
    — Sinon, m’écriai-je, joyeux de montrer à mon maître
que son jeu m’était clair et transparent, sinon tu meurs sans même t’en rendre
compte ! reprenant là l’une des expressions favorites de Cabusse, le
maître d’armes des enfants Siorac.
    Mon maître rit à gorge déployée, suivi avec un temps de
retard par Samson qui comprit tout soudain la gausserie de son frère et n’y vit
pas malice. À la vérité, pourtant, il fallait y déceler l’inquiétude de Pierre
au peu de disposition guerrière de son frère ainsi que le souci qu’il mettait à
tenter d’incruster dans la cervelle de celui-ci les réflexes salutaires qui
sauvent parfois du trépas quand le péril survient.
    Il n’y eut aucune embûche ni embuscade sur le trajet qui
nous mena à la vallée des Beunes, au nord de Mespech, puis au moulin de
Gorenne, où je vis pour la première fois la compagne de Coulondre Bras-de-fer,
laquelle me surprit fort par sa jeunesse – elle n’avait que quinze
ans –, sa gentillesse et sa mignonnette allure, mais surtout parce que je
trouvais bien étrange qu’une garce si verte et si tendre puisse s’aller se
marier avec le sinistre et lugubre Coulondre, qui plus est de trente ans son
aîné. Mais l’amour a bien des mystères et Coulondre n’avait de rude que
l’écorce, comme j’ai eu jà à le montrer, si bien que le ménage allait
gaillardement et plaisamment, et qu’on en oubliait vite la différence d’âge
entre les époux.
    Quand mon maître informa Coulondre que le baron l’invitait à
se mettre à l’abri en Mespech, il eut la réaction attendue, rejetant la
proposition sans même la considérer, et tel à son habitude répondit d’une
lapidaire manière, levant son bras de fer à hauteur de sa tête :
    — N’ont qu’à venir s’y frotter !
    Ce fut tout, et pour Coulondre nul besoin d’y causer
davantage, l’affaire étant entendue, de sorte qu’après une courtoise visite du
moulin et de ses dépendances, nous reprîmes notre route, profitant de cette belle
journée ensoleillée où il était bien difficile de croire à ces gueux désespérés
terrés dans les bois à la recherche d’un mauvais coup. Du reste, Coulondre et
sa Jacotte pouvaient profiter d’un souterrain que la frérèche avait creusé en
la graineterie du moulin, lequel menait droit de leur maison au

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