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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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causer, sinon pour instruire
qu’elle se poursuivit, et que j’y pris ma part de misère, à chanter de
plaisantes et légères chansons lors que je me retenais de pleurer. De cette
pitié, il faut certes se souvenir, et la petite Hélix demeure encore en mon
cœur, même ce jour d’hui, mais il n’y a nul besoin de l’écrire et de s’y
étendre, sinon à raviver le tristeux pâtiment que nous endurâmes à l’époque.
    C’est en sortant de la chambrette de la petite Hélix –
chambrette qu’elle occupait depuis peu pour y reposer plus quiète – que,
le cœur gros et la pensée en désespérance d’avoir tant gaîment chanté et joué
de la viole, je me rendis un matin à la grange où Margot et moi devions nous
encontrer. À percevoir et ouïr mon pas rude marteler le sol de la cour, je me
sentis derechef appartenir au monde des vifs et mon esprit se desserra de sa
peine, s’éloigna des brumes de cimetière qui le hantait, et recouvrit son appétence
au plaisir de la chair que me promettait ce rendez-vous.
    L’appréhension des premières retrouvailles dans la
grange – que je vous ai narrée, lecteur – avait laissé place à une
tempétueuse impatience qui me poussait à attendre debout, à peine rencoigné en
un obscur renfoncement, guettant les mille et un petits bruits du dehors, prêt
à bondir, comme le lion sur la fine gazelle, au plus petit signe annonçant ma
bien-aimée. Comme à l’accoutumée, le temps parut long, et à proportion de ma
hâte à étreindre, caresser, embrasser, mordre et pénétrer le joli corps de ma
Margot, dont le pensement me nouait assez les tripes et branlait même le
manche, à peu que je n’en fusse honteux et confus tant le désir devenait
intolérable.
    Mais quand l’attente dépasse une certaine limite, le doute
lentement s’insinue, et l’inquiétude aussi, ce qui vous fait quitter ces
féroces dispositions au sexe pour laisser place à une angoisse diffuse, ma foi
bien douloureuse. Or donc, Margot ne venait pas, et quand il devint trop
évident qu’une chose inhabituelle se produisait, ou s’était produite, je sortis
de la grange, tournai autour d’une bien fébrile manière, fouillant du regard
les moindres parcelles des alentours, et ne voyant que néant, à rebelute mais
ne sachant que faire d’autre, je revins au château.
    En notre grande salle commune, je tournai en rond, deçà
delà, dans un tel état d’excitation et de tension, les yeux fiévreux, qu’il ne
se peut qu’il n’ait été remarqué par les présents, mais je ne leur adressai mie
la parole, ne désirant trahir par mon émeuvement la passion que j’avais lors
pour Margot. Ce qui traversa ma cervelle en cet extrême pâtiment fut de toute
sorte, du plus incertain au moins tangible, n’ayant nulle hypothèse concrète à
ruminer, et sans cesse ressassant celle d’un drôlet qui se serait montré mieux
à son avantage, jusqu’à la séduire et l’entraîner en d’autres lieux. La douleur
en est vive de cette sordide pensée, qui vire parfois à la plus crue des
images, vous oppresse jusqu’à l’étouffement, et revient toujours à l’assaut
dans le seul but de vous tourmenter davantage.
    Si bien que, le soir venant sans que rien ne vienne
expliquer cela, évitant la Maligou et la Gavachette comme Charybde et Scylla, à
Barberine je confiai mon inquiétude tout en lui celant au mieux la vraie cause
de mes tourments.
    — D’aucuns auraient-ils aperçu la Margot ce jour
d’hui ? dis-je avec un feint détachement. Elle devait m’apporter, je m’en
ramentois, quelques feuilles de chélidoine pour curer un cor qui me peine à mon
pied gauche.
    — De la chélidoine, Miroul, tu en trouveras tout autant
que tu en voudras le long du mur ombragé de la grange, répondit Barberine. Mais
de la feuille de saule, aussi, tu pourras essayer avec le même profit. Et il y
a un saule sur l’île.
    — Grammerci, Barberine, et ma voix se noua dans le nœud
de ma gorge.
    Point ne pus supporter le silence qui suivit, lequel me
laissait Gros-Jean comme devant, aussi stupide qu’une vache ayant tenté
d’encorner le vent.
    — Mais la Margot, point on ne l’a vue ? ajoutai-je
à voix presque basse, comme si de baisser d’un ton pouvait masquer l’intérêt
que je portais à la question.
    — Nenni, Miroul.
    — Adonc, elle n’avait pas à venir ?
    — Si fait, avec la Gavachette, au potager, on aurait dû
la voir, mais on ne l’a pas vue, ce qui a bien

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