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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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encoléré la Gavachette qui pour
deux a trimé. Et que c’est bien étrange parce que, la Margot, elle n’a jamais
manqué !
    À cela je n’ajoutai rien, jugeant plus sage de ne point
paraître intéressé plus outre, mais cette nouvelleté me trotta en la tête, non
seulement que nul ne connaissait la raison de cette absence mais aussi que
celle-ci ne s’était jamais produite. Et l’inquiétude me rongea derechef avec
une autre intensité, que d’un grand malheur il eût pu advenir, sans que
quiconque encore ne le sût, me fut insupportable, et me laissa yeux grands
ouverts sur ma coite la nuit durant.
    Le lendemain, j’avais appétit perdu devant mon bol de lait,
ne touchant mie à mon pain, le front soucieux, les cernes creusés, le teint
jaune et fatigué.
    — Quelle est cette sinistre figure ? demanda mon
maître en s’asseyant face à moi.
    — C’est Margot qui n’est pas venue hier et personne qui
n’en sait la raison, dis-je en un souffle.
    Mon maître me considéra avec attention, resta coi un moment,
puis se pencha vers moi et déclara à voix basse :
    — Et que la Margot ne soit pas venue hier, pour Miroul,
c’est plus cruel que toute autre chose…
    — Oui, dis-je, le regard baissé comme catholique à
confesse, et de l’avouer me fit un grand bien, car le bonheur se peut porter
seul, mais il en est plus malaisé du malheur qui se partage volontiers.
    Mon maître sourit, mais sans irrision aucune, et se renversa
au fond de sa chaise.
    — Nous sellerons nos chevaux et nous irons tous deux,
dès ce matin, à la ferme de ses parents pour tirer cela au clair.
    — Je vous mercie humblement de la peine que vous prenez
à une affaire de si peu de conséquence, Moussu Pierre.
    — De si peu de conséquence, dis-tu ? Peut-être ces
affaires-là sont-elles plus importantes que d’élever un mur d’enceinte ou de
curer les douves du château !
    De la grande bénignité et humanité de mon maître, j’en avais
encore la preuve en ce prédicament, et surtout au regard de la grande douleur
où il se trouvait à suivre journellement le déclin de sa pauvre petite Hélix.
    Cependant, nous étions à peine sortis dans la cour
qu’Escorgol nous héla du haut du châtelet d’entrée, très à l’agitation et
pointant son bras en direction de l’île.
    — Qu’y a-t-il, Escorgol ? Est-ce attaque de
Roumes, de gueux ou seulement le soleil qui te joue des tours ? répondit
mon maître se gaussant.
    — Rien de tout cela, Moussu Pierre, c’est un simple
paysan que point ne connais mais qui s’en vient ici.
    — Eh bien, à sa rencontre, allons ! Voyons ce que
nous veut ce pauvre diable ! lança mon maître.
    Et je le suivis, nous portant au-devant du quidam que nous
encontrâmes peu avant le second pont-levis. C’était en vérité un bien pauvre
paysan que nous avions là, de petite taille, vêtu de frusques râpeuses et
élimées, l’air fatigué assez, la moustache tombante et à la tristeuse mine. Il
s’arrêta en nous apercevant, et quand nous fûmes à sa hauteur, se tint coi, les
bras ballants, gauche et intimidé.
    — Je suis le fils du baron de Mespech, dit mon maître,
que cherches-tu céans ?
    Raclant sa gorge, et en une courte phrase jetée comme à la
panique, le paysan répondit :
    —  Soi lo paire de Margot [18] .
    —  Ah… de notre Margot ! Et adonc ? Es
malauta [19]  ?
fit mon maître.
    Lors le pauvre vieux, tout en retenant de grosses larmes qui
tout soudain affluèrent sur son maigre visage, d’une voix tremblante
s’écria :
    — Moussu… Margot a desparegut [20] …

 
Chapitre IX
    La foudre tombant sur moi à la verticalité n’aurait pas
produit d’effet plus saisissant. J’en fus comme hébété, mon regard se portant
du bonhomme à mon maître, de mon maître au bonhomme, et la sincère douleur de
ce dernier qu’il tentait de cacher, mais sans y parvenir, tant m’émut et me
poigna que je sentis les larmes à mes yeux se presser, et cet émeuvement
s’ajouta à la nouvelle de la disparition, laquelle me fut tel un gouffre qu’on
ouvrait sous mes pieds.
    C’est sans hésitation aucune que mon maître, jugeant le
prédicament étrange et alarmant, fit signe au bonhomme de nous suivre en la
librairie du château pour y encontrer le baron. Celui-ci, quiètement installé
dans un fauteuil, un livre en main qui semblait l’absorber, se leva dès l’abord
qu’il vit le père de Margot, lequel il connaissait pour avoir embauché

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