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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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vide de l’autre promettant moult plaisir à
celui qui se trouverait côté douve au moment où le barrage céderait. L’attaquer
par la base et à la hache fut donc rejeté, et déboîter le barrage côté berge, à
son sommet, nécessitait une puissance de bras que personne ne possédait, même
Jonas. On proposa donc de creuser par le haut autour du contact du vantail et
de la terre, petit à petit, jusqu’à ce que la force de l’eau fit le reste et
emportât tout l’ouvrage.
    Il est constant que, dans un groupe, on trouve souvent un
quidam qui a soudain une idée au-dessus des autres, laquelle s’impose de suite,
sans discussion aucune. Ce jour-là, ce quidam fut Petremol, qui causa bien haut
et bien juste, lors que Jonas s’était déjà saisi d’une bêche pour commencer à
saper le barrage par le haut, comme il venait d’en être décidé.
    — Et si, d’une grande flambée au fond de la douve, tout
contre le barrage, on brûlait ainsi le barrage jusqu’à ce que rupture par l’eau
s’ensuive !
    Vers le baron on se tourna, avec des yeux de chiens fidèles,
suppliant que la fête ne soit pas gâchée, et il sourit, trouvant aussi l’idée
belle et bonne, plaisante, et qui promettait du spectacle. Ce fut la ruée vers
les branchages, bois mort et broussailles alentour, qui furent jetés pêle-mêle
dans le fossé, et tant et tant que le baron dut intervenir pour que cesse tel
désordonné entassement.
    Le baron désigna ensuite Petremol – bien nous lui
devions cette faveur – ainsi que Jonas, pour descendre allumer l’incendie,
ce qu’ils firent, et quand de hautes flammes commencèrent à s’élever, ils
remontèrent bien vite par l’échelle, qui fut tirée de suite pour non pas la
perdre dans le désastre annoncé. Ce fut merveille que ce moment où chacun,
pendant de longues minutes, comme à la communion, retint souffle et paroles,
les yeux fixés sur l’immense flambée, à regarder les flammes lécher la
verticale paroi de bois, qui sous l’effet de la chaleur et du feu finit par
s’embraser dans une lumière d’Apocalypse. On recula, mais peu, car il fallait
tout voir, et surtout cet instant magique où l’eau se déverserait sur le feu,
tel le Déluge de la Bible.
    Rongée et dévorée par les flammes, la paroi résista tant et
tant qu’il y eut parmi l’assistance quelques mouvements d’impatience, des cris
d’exhortation, qui en appelaient au feu, qui en appelaient à l’eau, pour que le
déferlement final se produise au plus vite.
    Déstabilisé à sa base, le barrage soudain se disloqua de
toute part, en plusieurs endroits l’eau jaillit, et l’ensemble fut tordu,
renversé, balayé, et l’étang se rua dans la douve avec une force inconnue, en
sa fureur débordant même sur la rive, et filant en grondant au fond du fossé,
le recouvrant d’un seul élan, et ce jusqu’au second barrage que l’on ne voyait
mie d’où nous nous trouvions.
    Margot se tenait à mon côté, et je la sentis frémir à
l’étonnant spectacle que nous eûmes en ce présent, lequel fut tel le salaire de
l’immense effort entrepris, et enduré, mais qui fût bref, l’eau se calmant dès
le niveau de l’étang rattrapé dans la douve, et lors d’un calme si surprenant
qu’on en doutait presque que ce déferlement se fût jamais produit.
    Et cette mémorable journée, Margot et moi, nous l’achevâmes
de fort belle manière, en la grange de l’île, sur le chaume, frottant le lard
ensemble comme dit le populaire avec un sens de la poésie que je laisse au
lecteur apprécier, lui qui, sans l’ombre d’un doute, est plus ouvert et
instruit aux arts et belles lettres que je ne le serai oncques, et m’en
excusant humblement.
     
    Ainsi l’existence prend ses douces habitudes, et d’un
fréquent déduit avec Margot j’en goûtais le plaisir, tel le point d’orgue de
cette fortune qui me souriait tant depuis l’entrée en la maison des Siorac.
Hélas, des chagrins également rongeaient et dévastaient notre âme, et la lente
bascule de la petite Hélix vers le trépas en était le plus intense, le plus cruel,
le plus injuste, qui ne se peut exprimer, et que je souhaite éviter au lecteur
afin qu’une trop grande compassion ne vienne ternir l’esprit de ces Mémoires.
Margot bien me l’avait dit, et la leçon fut apprise, ce n’est pas par mon œil
triste, mais par l’autre, que je veux considérer la vie et ses traverses. Si
bien que de cette lente agonie je ne veux mie

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