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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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il est peu probable
que sa destinée ne soit point scellée dès l’abord ! Vramy, mon Pierre, et
toi aussi Miroul, il nous faut vérité bien en face regarder, car rien ne peut
avoir empêché Margot de s’en aller ou de s’en retourner du marché, sinon ce
mauvais sort dont j’ose à peine parler ! Je crains que Margot n’ait été
forcée à plusieurs sur le bord du fossé, puis dépêchée à la chaude dans les
fourrés, afin de ne pouvoir par la suite reconnaître ou accuser ses
assaillants !
    — N’est-ce pas ce qui arriva à Jeannette, de ce même
hameau de la Malonie, trois ou quatre ans de cela ? fit Sauveterre
impassible.
    — Si fait, hélas, et combien je me ramentois ce pauvre
corps dénudé et égorgé, jeté telle une charogne dans le fossé !
    À cela, je ne puis plus tenir, et mes jambes flageolantes ne
me portant plus, je fis quelques pas de côté pour tomber sur une chaise, les
mains tremblantes et la cervelle prête à éclater. À l’esprit me revinrent,
toutes mêlées, confondues, embrouillées, enchevêtrées, les horribles images du
supplice de mes sœurs auquel j’assistai jadis, en la grange de mes parents,
impuissant et vomissant. Et que ma Margot puisse être à présent ce que le baron
en disait – charogne en fossé – lors que je sentais encore l’odeur de
son corps sur le mien, la douceur de ses caresses et l’élan de sa jeunesse
contre mes flancs, me laissa en une immobilité de statue, comme absent du monde
qui m’entourait.
    Ce que voyant, mon maître de moi s’approcha, et posa la main
sur mon épaule en guise de réconfort, geste qui sûrement étonna le baron,
lequel se croyait seul à connaître ce qui m’unissait à Margot. Sauveterre, au
comportement de mon maître, eut un regard d’incompréhension et de surprise,
mais ne chercha pas à en savoir plus outre.
    — Cependant, reprit mon maître s’adressant à son père,
n’avez-vous point promis à ce pauvre homme d’éclaircir la disparition de sa
fille ?
    — Oui, je l’ai promis. Il nous faut donc suivre ce
chemin de Taniès, qui descend jusqu’à la grande route des Beunes, puis jusqu’au
village. Mon idée est que c’est dans les bois, avant d’arriver à la vallée,
plus ouverte et fréquentée, que cette vilénie s’est produite.
    — Mais enfin, Jean ! s’écria Sauveterre. Vous
n’allez pas vous armer en guerre pour retrouver la trace d’une simple employée
de ferme, laquelle n’habite pas même au château ! Laissons donc cela, on
nous mandera assez tôt quand le corps sera retrouvé, et c’est bien suffisant,
ce me semble !
    Le baron point ne répondit à cet assaut, qu’il feignit
d’ignorer, et jeta un regard à son fils.
    — Messieurs, dit celui-ci, nulle nécessité en effet de le
faire vous-même, j’irai moi-même, avec Samson et Miroul.
    — Miroul, mais le peut-il ? répliqua le baron sans
laisser à Sauveterre le temps d’ouvrir la bouche.
    — Si, je le peux… dis-je comme un automate.
    — Bien, reprit le baron, et quand voulez-vous partir,
monsieur mon fils ?
    — Dès l’instant que nous serons prêts et que nous
aurons bien ouï les conseils que vous nous donnerez.
    Lors le baron nous entraîna hors la librairie, et je fus
bien heureux de cette diversion qui, me lançant dans l’action, apaisa un peu
mon désespoir. Dans la salle d’armes où Samson nous rejoignit, les deux frères
mirent l’épée au côtel et le morion en tête, et sur l’île, deux pistolets
chargés furent glissés dans les fontes des chevaux tandis que le baron
vérifiait notre équipage : harnais, bridons, fers des chevaux, courroies,
alênes ; comme si nous en étions à quitter Mespech pour plusieurs mois. À
mon maître qui s’en étonnait, il répondit :
    — En vérité, vous serez sans doute revenus dès ce soir
porteurs d’une fort mauvaise nouvelle. Mais il se peut aussi que vos recherches
vous entraînent plus loin et que vous soyez absents un temps plus long que vous
ne le pensez. Nul ne prédit l’avenir, mon Pierre, et le bon soldat est celui
qui a prévu ce que l’insouciant n’a pas envisagé.
    Le baron songea aussi à nous adjoindre François, jugeant
Samson peu sûr dans les périls et me voyant bien alangui par la peine et le
chagrin qui était le mien, mais il se ravisa, tout aussi certain que des
tiraillements dans le commandement se feraient dès lors sentir, et sachant
trop, en vieux soldat, la paralysie que ceci entraîne dans la

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