Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
Vom Netzwerk:
tourné vers
l’amont pour la raison que j’ai dite. Et Jonas pourrait vous en conter aussi,
avec ses constructions, car c’est le même procédé que celui de la voûte pour
les portes des logis, qui, comme vous le savez, allège la charge des pierres du
dessus.
    — Comme cela est simple et clair, Faujanet, et comme il
me plaît de l’apprendre !
    La douve asséchée, un bien pénible labeur commença, car il
nous fallut y descendre et, à la pelle et à la bêche, les pieds parfois enfoncés
jusqu’aux chevilles, creusant dans un mélange de boue et de végétaux pourris,
nous remplissions des cuves en bois que d’autres allaient déverser et vider sur
la berge, ou au-delà. Sauveterre desserra les cordons de la bourse et engagea
des drôles du village de Taniès et de Marcuays, une quinzaine au total, qui
furent fort utiles, tant le travail paraissait sans fond et sans limite. Le
baron ne voulut point que ce chantier fut à reprendre avant longtemps, et nous
fit creuser si profond, que nous n’en pouvions mie remonter seuls à la fin des
journées, et que d’une échelle nous eûmes nécessité. Il ne fut satisfait que
lorsque la profondeur atteignit deux fois la hauteur d’un homme, et encore ne
le choisit-il pas petit, puisqu’il se servit de Jonas comme patron.
    Maugré cette profondeur énorme, le baron cherchait aussi
comment éviter que les éboulements de la berge ne se reproduisent à l’infini,
ruinant derechef le labeur accompli. Alors que Jonas, tel un bon géant au
milieu des nains, soulevait seul une des cuves emplies de terre, la chargeait
sur ses larges épaules, et s’apprêtait à grimper l’échelle, le baron le stoppa
d’un geste et descendit lui-même nous rejoindre.
    — Jonas, dit-il, si cette douve est remise en eau
maintenant, la berge tiendra-t-elle ?
    Jonas posa sa cuve et, parcourant du regard la rive abrupte
que nous avions creusée, eut une moue qui en disait long sur ce qu’il pensait.
    — Moussu lou Baron, l’eau va saper tout ça bien vite,
je le crains.
    — Et de remède à ce mal, en connais-tu ?
    — Pour sûr, il y en a un, mais qui va nous tenir à ce
labeur encore un long temps !
    — Lequel ?
    — Il faut adosser contre la berge, selon son
inclinaison, du fond jusqu’en haut, comme un rideau d’énormes pierres, les plus
grosses en bas et la taille s’en pouvant diminuer jusqu’au sommet, mais pas
trop. C’est tel un contrefort qui retiendra la terre et l’empêchera de glisser
et s’écrouler.
    — Ces pierres doivent-elles être taillées, Jonas ?
    — Non, Moussu lou Baron, ce n’est point l’affaire, il
faut surtout qu’elles soient grosses et lourdes.
    Et le baron opta pour cette idée, si bien qu’il en nécessita
moult nouveaux efforts pour que la carrière délivrât des blocs de grosse taille
qu’il fallut ensuite amener jusqu’à la douve, et les drôles des villages en
eurent leur occupation prolongée d’autant au domaine de Mespech. Mais le baron
y tenait prou, et comme j’ai eu à le dire déjà, il n’était pas homme à lâcher
une décision quand celle-ci lui paraissait salutaire.
    Tout le temps que dura ce nouveau délai, Faujanet vint chaque
jour vérifier l’étanchéité de ses barrages, et colmatant une brèche, où-ci
où-là, s’inquiétait du suintement qui courait aux jointures des planches,
répétant fort malengroin à quiconque lui tombait sous le bec, qu’il fallait en
finir et que son ouvrage n’avait pas été prévu pour tenir jusqu’au Jugement
dernier. Mais à la fin, il tint, et solidement, sans qu’aucun craquement ne se
fît entendre, et le baron n’en douta pas un instant qui oncques ne pressa son
monde de terminer rondement, veillant à ce que ce contrefort de pierres fut
bien fait, et non vite fait.
    Vous imaginez, lecteur, comme le jour de la remise en eau,
après si profond curage de fossé, attira tout Mespech et au-delà, puisque
Cabusse et Coulondre vinrent aussi, avec Jacotte, Cathau, et aussi la
Sarrasine, et que tout ce joli monde s’assit sur la berge, près du barrage
qu’on se promettait de faire sauter, au mitan du jour, chacun ripaillant dans
l’herbe et buvant la piquette du domaine, la marmaille courant à droite et à
sénestre comme de jeunes cabris échappés de l’enclos.
    De cette affaire, pourtant, nul n’y avait songé réellement,
car on se convainquit vite que retirer le barrage présentait quelques périls,
la pression de l’eau d’un côté et le

Weitere Kostenlose Bücher