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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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ce que, je le remarquai aussi, le carrier n’était pas bien
habile cavalier, son assiette laissant fort à désirer. Mais il fallut bien, à
notre grand dam, mettre nos montures au pas dès qu’elles furent trop usées de
galoper ainsi, ce qui du reste soulagea autant Jonas que son cheval.
    En soirée, les portes de la cité furent franchies et j’eus
plaisir à me retrouver en cette ville que j’avais jà parcourue, Margot en
croupe, la chaleur de son ventre contre mon dos, à nous émerveiller tant et
tant de la richesse des échoppes et de leur surprenant agencement. Mon maître
s’enquit d’une auberge car il n’était plus temps, la nuit tombant, de chercher
le logis du drapier Delacombe, et nous démontâmes, rompus par la fatigue des
justes, confiant nos bêtes au palefrenier du lieu.
    L’alberguière était une forte femme, entre deux âges, au
plein visage épanoui et réjoui, parlant haut et fort en agitant les bras, et
qui nous accrocha à peine le seuil de sa maison franchie.
    — La bienvenue, mes seigneurs, s’écria-t-elle, que
peux-je faire pour votre service ?
    — S’il ne vous en déplaît, le gîte et le couvert,
madame, répondit mon maître en s’inclinant.
    Elle nous guida à l’étage, par un sombre corridor et un
vieil escalier de bois qui branlait à chaque marche, jusqu’à une chambre
coquette, ayant vitre à la fenêtre, vue sur la rue, calel allumé au-dessus de
la porte, et désigna quatre lits collés contre les murs.
    — Est-ce à votre convenance ? demanda-t-elle,
dévorant des yeux notre beau Samson lequel, pensées dans les nuages et
innocence au fond des yeux, ne s’en apercevait mie.
    — Excellentissime ! répondit mon maître qui ne
pensa pas même à barguigner le prix, au demeurant assez élevé, que
l’alberguière proposa par la suite.
    De ces auberges, où gîte et francherepues nous furent
dispensés, tant à Montpellier, Paris, Londres et autres grandes villes où je
séjournai en compagnie de mon maître, j’ai douce souvenance, et peut-être ne
suis-je pas loin de considérer que ce fut le lot le plus plaisant de ma
condition de valet, que le paysan oncques ne connaîtra, et n’en peut imaginer
pas même l’odeur ni la félicité. Pour Jonas, comme pour moi du reste, c’était
la toute première fois que nous pénétrions en ces lieux, où il faut montrer
clicaille avant que d’entrer, la porte se refermant incontinent sur le bec des
gueux qui s’y présentent les mains vides.
    La salle où on nous servit était grande, animée, emplie
d’une foule de bourgeois et voyageurs à la vêture et aux mines insolites, et je
cuide assez que je passai bien le quart du repas à envisager cette assemblée
qui m’était tout à plein fabuleuse et étrange. Le rôt fut à tel point délicieux
que nous ne laissâmes nul relief au fond de l’assiette, ayant grand faim de
surcroît, et le vin clairet coula gaiement dans nos gosiers, à peu que la tête
ne me tournât à la fin du souper.
    La garce qui courait deçà delà, de table en table, était
fort mignonnette, taille fine, pied menu, visage angélique sous de longs
cheveux blonds, et mon maître la remarqua aussi, qui lui fit mille grâces tout
au long du service, clins d’œil, sourires et propos galants. À la parfin, comme
la salle se vidait et que nous traînions sur nos bancs, désoccupés et bayant
aux corneilles, mon maître fit signe à l’accorte servante de s’asseoir un
moment à son côtel pour causer. Elle accepta, et avec tant d’empressement, que
je n’eus pas à travailler prou mon imaginative pour entendre où l’affaire
pourrait bien se conclure, et tout à l’avantage de mon maître.
    Du guilleret bavardage que Samson, Jonas et moi, de ces
deux-là, nous eûmes à ouïr ce soir-là, je vous en ferai grâce, mais il ne faut
pas aller trop loin pour se l’imaginer, conter fleurette n’étant plaisant qu’à
ceux qui en sont, l’oiseau et l’oiselle donc, et paraît bien nigaud à ceux qui,
par mégarde, écoutent, et sont bien maugré eux dans la position de la chaise ou
du calel. La jeunette se prénommait Guillemette, était native de la cité,
qu’elle n’avait jamais quittée, travaillait ci depuis une année déjà, avait père
cordonnier et mère blanchisseuse, dormait seule dans une chambrette à l’étage,
et c’est paupières baissées sur ses jolis yeux bleus qu’elle répondait de bon
cœur à toutes les questions.
    Mais si tant bien je me ramentois la

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