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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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semaine-ci,
désirant connaître votre offre et vos prix.
    Le drapier hésita, baissa les yeux, et son visage ne montra
plus le même aplomb.
    — C’est que je n’ai pu m’y rendre, étant bien pris par
d’autres affaires qui ne se pouvaient délayer.
    — Tu mens ! s’écria mon maître.
    À cette sonnante affirmation, le maître drapier se troubla
et considéra mon maître avec effroi. La tension fut si sensible en ce présent
que je palpai derechef ma chemise pour y sentir le manche rassurant de mon
cotel.
    — Je vous assure, bafouilla Delacombe, vous pouvez
demander là-bas, à Taniès, que nul ne m’y a vu…
    — Je ne vais pas t’en dire mon opinion, Delacombe, mais
vraie certitude et assurance : tu y es allé et on t’y a vu, non pas au
marché de Taniès, mais sur la route des Ayzies !
    — De par le fait que je me rendais ailleurs, d’autres
affaires, en d’autres lieux…
    Mais mon maître ne le laissa point achever. Il tira tout
soudain son épée et la posa sur la poitrine du drapier qui se figea de peur,
les mains autant tremblantes que feuilles agitées par le vent.
    — Il suffit maintenant avec ces menteries ! cria
mon maître. Tant bien, vois-tu, que nous savons que, sur cette route, tu as
embarqué une garce et que, depuis lors, elle ne s’en est point retournée au
logis !
    L’agitation de la scène alerta l’alentour car, d’une
arrière-salle, nous vîmes surgir un quidam, grand et fort, qui, voyant le
drapier en telle périlleuse situation, saisit une barre de fer recourbée comme
un gigantesque hameçon – ce pourrait qu’il s’agissait d’un crochet de
boucher – et la brandissant au-dessus de sa tête nous marcha sus d’un pas
décidé.
    — Tire ton épée, Samson ! hurla mon maître. Jonas,
à moi !
    Son épée, Samson la tira, mais il resta ainsi, la rapière à
la main, immobile, sans cils bouger, aussi menaçant que le joli tableau d’un
peintre, et je cuide assez que notre jeunesse à tous trois n’était pas pour
intimider le nouveau venu qui, s’approchant du drapier, le tira brutalement en
arrière hors d’atteinte de mon maître. Cependant, malgré ce fait d’armes,
l’avantage restait de notre côté car le drapier, grelottant de peur, ne
comptait guère dans l’algarade, d’autant que j’avais sorti mon cotel du
pourpoint, prêt à en user si nécessité s’en faisait sentir. Sur quoi, Jonas
déboula à son tour au milieu de tous, tel un ours des montagnes, et son énorme
taille, ses bras démesurés et sa mâle figure eurent un tout autre effet sur
l’homme au crochet de fer. Il recula, et baissa son arme, ne se sentant pas de
taille à vaincre quatre adversaires, dont deux gentilshommes maniant l’épée, un
valet jouant du cotel, et un colosse qui d’un coup de patte l’eût envoyé sur le
sol.
    — Pose ce crochet, dit mon maître et le ton quiet et
assuré de sa voix m’esbahit fort après un tel remuement. Voilà qui est bien…
Jonas, tu nous prends cet hameçon à éventrer les vaches. Très bien… Et à
présent, qui es-tu donc, coquin ?
    — C’est mon commis… répondit le maître drapier, lequel,
la mine défaite, semblait revenir de l’enfer.
    — Qui pourrait bien aussi en être de notre
affaire ! reprit mon maître.
    Puis il pointa de nouveau l’épée sur la poitrine du drapier
Delacombe, le piquant légèrement à travers son pourpoint, ce qui lui arracha un
cri, tout autant de terreur que de douleur, à ce que j’en devinais.
    — La vérité maintenant, et vite ! La garce que tu
enlevas appartient au domaine de mon père, lequel est grand ami avec
M. de La Porte, lieutenant-criminel de la ville, qui serait
certainement intéressé à t’entendre !
    Telle une claire menace de gibet, le nom de
M. de La Porte épouvanta maître Delacombe dont le visage devint aussi
blanc que certaines draperies suspendues au-dessus de sa tête.
    — C’est une épouvantable méprise ! clama-t-il
d’une voix aiguë. Aucun mal, je le jure devant Dieu, n’ai fait à la jeune
garce ! Je suis persécuté par un misérable qui menace de s’en prendre à
mon établissement, et d’y mettre le feu, si je n’en passe par ses
volontés !
    — Qui sont ? dit mon maître fort roidement.
    — Il exige que je lui rapporte de jeunes et belles
garces…
    — Qu’il est aisé, avec l’aide de ton commis, de ramasser
en campagne au gré de tes voyages, et que tu lui livres contre sonnante et
trébuchante

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