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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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entrevue ait été
décidée antérieurement et que, bien à l’étourdie, nous venions d’y donner le
bec, ce qui nous empêchait d’approcher Cocquelain par ruse, comme mon maître,
je le suppose, avait dû y songer jusque-là.
    Car il n’était pas besoin d’avoir la comprenette trop fine
pour entendre que le drapier et ce Cocquelain étaient en régulière intrigue,
même si on ne pouvait encore préjuger qui, de l’un ou de l’autre, dominait en
cette affaire et tirait le bon bout de la pelote. Tout ceci mon maître fort
bien le comprit, et aussi que le péril s’était accru : de deux, nos
adversaires étaient à présent quatre, et que de prudence il fallait redoubler.
Mais il n’y eut pas trop à s’apenser de cela, car le commis, lequel nous
faisait face en sortant de derrière la tour, nous aperçut et nous reconnut,
pointa son bras en notre direction, nous montrant à son maître, et donc –
mais je gage que là n’était pas son intention – à Cocquelain et son
compère.
    À la hardiesse et bien dans son tempérament, mon maître lors
s’avança et, à cinq pas de Cocquelain, s’arrêta et le héla sans détour.
    — Cocquelain ! Sur un point tu dois nous rendre
compte, et si tu y réponds diligemment, nous éviterons que le sang soit versé !
    — Qui sont ceux-là ? dit Cocquelain, non à mon
maître mais à l’adresse du drapier, dont les lèvres se mirent tant à trembler
qu’aucun son ne sortit de sa bouche.
    — Cocquelain ! reprit mon maître, à moi seul, et à
mes compagnons, tu as maintenant affaire ! Nous cherchons la garce que
Delacombe t’a amenée cette semaine ! Et de nous dire où elle se trouve à
présent, tu auras la vie sauve !
    — Qui t’a renseigné de la sorte ? demanda
Cocquelain sourdement.
    Je me ramentois encore ce jour d’hui le ton tant calme et
menaçant dont usa Cocquelain à cet instant, et si l’instinct qu’on acquiert au
contact de ces gueux m’avertit que le pire pouvait se produire, et j’en retins
mon souffle, il n’en fut pas de même pour mon maître, qui commit là une si
belle bévue, que je m’en veux encore de ne l’avoir prévenue.
    — Cette fripouille de drapier ! répondit mon
maître.
    Tout se passa si vite que je peine encore à me remembrer la
scène, tant elle fut horrible aussi, et je ne puis pas assurer au lecteur
qu’elle se déroula exactement comme je vais la conter.
    Samson, Jonas et moi étions groupés autour de mon maître,
quoique un petit pas en retrait, et face à nous Cocquelain se tenait à la
dextre du drapier, lequel était flanqué de son commis sur sa sénestre. Le
complice de Cocquelain avait – je le cuide sans certitude – reculé
d’un ou deux pas aux premiers échanges de paroles avec mon maître, si bien
qu’il s’échappe hors ma mémoire à cet instant.
    À peine mon maître eut-il répondu à Cocquelain que celui-ci,
sans hésitation aucune, tira son cotel et se tournant vers le drapier le lui
enfonça dans le ventre jusqu’à la garde.
    — Traître ! hurla-t-il et la voix ignoble du gueux
commettant cet horrible forfait, qui me rappela celui de Peyssou, résonne
encore en ma mémoire.
    Le cotel de Cocquelain n’était pas encore retiré de la plaie
béante que son compère tira le sien tout pareillement, et le lança avec force
en direction de mon maître. Je vis le geste, que je connaissais pour l’avoir en
pratique, et me jetant sur mon maître, je le bousculai, il tomba, et le cotel
passa sur nous sans nous atteindre, et se perdit dans l’espace. Lors le
complice, son coup manqué, tournant casaque, partit à jambes avalées, mais
Jonas encocha une flèche à son arc, le banda et la flèche jaillit à une tant
stupéfiante vitesse qu’elle rattrapa le gueux et, le transperçant par le dos,
il tomba en avant pour ne plus jamais se relever.
    Pendant le temps que Jonas se saisissait de son arc pour
abattre le fuyard – un peu avant ? un peu après ? je ne saurais
rien affirmer de trop précis – Cocquelain se précipita sur mon maître qui,
bien qu’à terre, tira incontinent son épée, la pointa prestement en avant, et
Cocquelain, lequel ne put interrompre son élan ni dévier sa course, s’embrocha
dessus d’une fort vilaine manière, la lame pénétrant en la poitrine et
ressortant entre les omoplates, ce qui ne l’empêcha pas, d’un grand coup de
cotel dans le vide, de tenter de toucher mon maître, mais il expira peu après
en un râle affreux,

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