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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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Fleur de lys  !
Et gardons-nous au plus près car le danger est grand !
    Lors, nous nous ruâmes dans la rue qui longeait la maison de
La Boétie sur sa sénestre, et plus loin, piquâmes ensuite à dextre, en
direction de la Lanterne des morts.
    La Fleur de lys était une peu enviable taverne, dont
le bâtiment tombait en ruine par parties, ayant les lauzes du toit bien
enfoncées en leur milieu et une façade fort méchamment lézardée. Que ce fût là
un repaire de vaunéants et de larrons semblait aller d’évidence, et nul honnête
voyageur n’aurait songé à y pénétrer, tant, dès l’abord, on en soupçonnait la
racaille de l’avoir investie.
    Mon maître ne tint pas conseil mais ordonna, et l’oyant
ainsi décider sans réplique au moment de l’action, je m’apensai que le baron
avait été fort sage de ne pas nous adjoindre François en cette équipée, les
décisions de l’un se heurtant aux considérations de l’autre, notre meuvement en
aurait été bien proprement paralysé.
    — De par notre vêture qui fleure trop son noble et sa
richesse, nous dit-il, Samson et moi n’entrerons mie en ce galetas, où nous
serions aussi discrets que papillons en nid de frelons. Jonas et Miroul, vous
irez tous deux y boire une brève chopine, et ce faisant, sans éveiller
l’attention plus outre, verrez si notre homme est dans la place. Ensuite, sans
tarder, vous serez de retour ici pour nous en rendre compte.
    Il se peut que le lecteur s’accroie que de pénétrer en cette
antre fût pour moi un pénible tracas mais, à la vérité, il n’en fut rien, pour
ce que, en ma vie de larron, j’en avais, hélas et je ne m’en paonne point,
fréquenté du même style. J’avais appris à y entrer, les mains en poches, le
regard mi-absent mi-assuré, prenant l’air de celui qui a déjà traversé tous les
océans de la Terre ou fréquenté moult geôles du royaume. Ainsi je fis, flanqué
du gigantesque Jonas qui, pour sa part, n’avait guère à déguiser, être lui-même
étant en l’espèce bien suffisant.
    Était-ce l’horaire encore matinal – nous étions sur le
coup de la dix heures – mais la taverne, au demeurant fort sombre, n’était
guère peuplée, quelques tables occupées ci et là, sans plus, tant bien que,
sans ayant l’air d’y regarder, nous tirâmes deux chaises et, après avoir
commandé chopine, nous demeurâmes cois, face à face, sans mot piper. Étant le
mieux placé pour l’exercice, j’inspectai un à un les présents. Assurément, il y
avait là gueux et réprouvés, mendiants aussi et d’autres épaves accrochées à
leur verre, tout ce monde ne montrant ni entrain à la vie ni espérance en
l’avenir, reclus à la taverne de La Fleur de lys comme chiens en leur
chenil.
    À la parfin, mon regard fut attiré par deux individus à la
mine tant inquiétante que l’on aurait passé alertement son chemin plutôt que de
leur adresser la parole, même égaré au milieu d’un désert. Les envisageant de
profil, celui qui était à dextre était brun de poil, glabre, maigre, le cheveu
hirsute, et le cotel tant ostensiblement glissé sous la ceinture qu’il semblait
accoutumé à s’en servir en toutes occasions, même les plus légères. L’autre ne
lui enviait rien, comme un frère jumeau en larronnerie, le cotel tout
pareillement à la ceinture, le nez busqué et des oreilles qui me parurent tant
grandes qu’elles en évoquaient celles d’un éléphant, si ce n’est qu’elles
paraissaient aussi rigides que du cuir mal tanné. Comme le quidam était à
sénestre, je ne pouvais distinguer sa joue gauche, mais cette sorte d’instinct,
qui s’acquiert à l’expérience, me laissait en alerte, et j’attendis, tout à la
patience, buvant ni trop vite ni trop lentement, que l’occasion se présentât
d’en savoir plus.
    Entre-temps, je fis signe à Jonas et qu’il se tînt prêt à
lever le camp et qu’il évitât de se retourner, pour non pas attirer l’attention
sur nous. Jonas montrait une tranquille assurance, propre au colosse qui n’a
guère eu l’occasion dans sa vie d’être à son désavantage face à ses semblables,
et à qui nul n’a oncques cherché querelle.
    Que le larron tournât la tête, je l’espérais, et tant et
tant, les yeux mi-clos cependant attentif, mais l’attente se prolongeait et je
songeais à mon maître et Samson qui, du dehors, dans la rue, devaient être bien
en peine de comprendre pourquoi nous ne ressortions de la

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