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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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murs. Je vous demande donc,
mon Pierre, qui êtes si impétueux en toutes circonstances, de vous garder de
vous-même autant que des malencontres qui pourraient subvenir. Vous savez que
vous ne pouvez guère compter sur Samson dans les menaces, que ce dernier en
oublie de sortir son pistolet et de faire feu lors même que sa propre vie est
en danger, comme récemment, et que sa bonté est une infirmité fâcheuse en ces
circonstances. Au rebours, Miroul a montré, dans un prédicament identique, un
tout autre tranchant, n’oubliant mie de faire feu et de faire mouche, et qu’il
préféra ensuite occire son vis-à-vis plutôt que de se faire tuer. Avec votre
valet, vous avez là un ferme appui mais, de grâce, ne gagez point votre vie, ni
celle de votre frère, ni la sienne, en de futiles et inutiles querelles. Ayez
la tête froide, le jugement solide, et s’il faut parfois être prompt à
dégainer, que ceci ne soit fait que pour de justes et saines raisons.
M’entendez-vous, Pierre ?
    — Oui, monsieur mon père.
    — Bien, au besoin, Miroul vous rappellera cela. Voici
aussi quelques sols pour vos menues dépenses. N’en dites pas la somme à
Sauveterre, si vous rencontrez avant votre département, car elle est plus
élevée que celle que nous avions convenue ensemble. Allez maintenant prévenir
votre frère, acquittez-vous de cette courte mission, et revenez-nous vite.
    Comme nous dévalions le grand escalier de pierre, côte à
côte, je sentis que mon maître était fort excité de cette responsabilité,
laquelle était la première où seul il allait exercer le commandement, qu’il y
voyait l’occasion de montrer sa valeur et son efficience, et que la fiance
témoignée par son père le transportait de joie et de bonheur. Quant à moi, il
me tardait de revoir la belle ville de Sarlat en des circonstances tout autres
que celles que nous avions connues et qui avaient causé tant de remuements et
d’amertume en nos cœurs. J’avais aussi rempli à plein ma besace des aimables
paroles que le baron avait prononcées à mon encontre, et que je tenais comme
belle récompense à ma conduite et au dévouement pour mon maître.
    — Cours à l’écurie, Miroul, et prépare les
chevaux ! Je vais quérir Samson ! me lança mon maître comme nous
entrions dans la salle commune.
    À l’écurie, j’y encontrai Petremol qui, penché sur un
établi, besognait à repiquer de petites pièces de cuir pour restaurer un
harnais usagé dont les coutures ne tenaient plus qu’à quelques fils. Homme
assez nonchalant mais méticuleux, adroit dans sa lenteur, il fut étonné de
l’empressement que je mettais à seller trois chevaux, dont la belle Acla de mon
maître.
    — Que fais-tu là, Miroul, serait-ce que tu vas monter
trois bêtes en même temps ?
    — Non point, Petremol, répondis-je en riant, mais tu
nous vois sur le département pour Sarlat, et ceci sans délai, mon maître,
Samson et moi.
    — Et pourquoi donc ? fit-il en se grattant la
tête.
    — C’est mission du baron, et n’ai mie le droit de
révéler de quoi il s’agit, dis-je en me gonflant d’importance.
    Quand je m’y apense ce jour d’hui, je ne peux que constater
que je me mettais aussi au jeu, comme mon maître, non sans fierté, et combien
ridicules étaient ce sérieux et cette application on le comprendra – et
j’en ai les oreilles qui me chauffent encore en y songeant – quand le
lecteur saura de quoi il retournait à la vérité.
    Mon maître, flanqué d’un Samson un peu ahuri et peinant à
comprendre l’affaire et ses détours, me rejoignit à l’écurie. Tous deux avaient
ceint le braquemart qui pendait à leur côtel et ils rapportaient trois
pistolets qui furent glissés incontinent dans les fontes à l’avant des selles.
Mon maître, assumant de suite le commandement de notre petite troupe, prévoyait
donc le pire, et je conviens qu’il n’avait pas tort car, en ces temps
incertains et cruels, mieux valait se prémunir contre les périls avant que
ceux-ci ne vous jetassent dans l’autre monde.
    Nous quittâmes Mespech en franchissant l’ultime pont-levis,
mon maître et Samson en tête, au pas et au botte à botte, tandis que mon cheval
se tenait juste derrière les leurs, son museau balançant entre les deux croupes
qui constituaient son horizon. Me retournant avant de pénétrer dans la forêt,
j’eus le temps d’envisager la silhouette d’Escorgol sur le châtelet d’entrée,
lequel Escorgol devait

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