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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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qu’elles s’y
logent, car autrement le cerveau en serait si plein de ces choses inutiles
qu’il n’y pourrait plus rien entrer dedans. Elle me revint pourtant, plus tard,
et tristement, et je la conserve aussi pour preuve que l’on ne sait comment
commence un grand mal, et que peu nombreux sont ceux qui s’en aperçoivent.
    Ce même jour, lors que j’aidais Faujanet à raboter le
dessous de la porte d’entrée de la salle commune, laquelle porte était si
lourde qu’elle en avait gauchi ses gonds, et raclait affreusement le sol dallé
chaque fois qu’on la branlait, et ainsi de mal en pis chaque jour qu’il en
fallait la réparer, mon maître surgit tout soudain et me héla de la
sorte :
    — Mon père veut m’entretenir et il requiert ta
présence !
    Ceci ne laissa pas de m’étonner mais je n’eus le temps d’y
réfléchir plus avant que Faujanet, allongé sur le sol, le ciseau à bois en
main, et voyant que je ne soulevais plus suffisamment la porte, s’écria :
    — Et comment que je vais œuvrer, moi, si le drôle y me
redresse plus la porte ?
    — Tu demandes à Coulondre ! répondit mon maître.
    — Y peut pas faire ça avec son bras de fer !
    — Tu demandes à Escorgol !
    — Il a point le droit de descendre de sa
surveillance !
    — Tu demandes à Petremol ?
    — Il répare des harnais à l’écurie !
    — Tu demandes à Cabusse !
    — Il est point encore arrivé !
    — Aux jumeaux Siorac !
    — Ils récurent les fossés !
    — Ah, sanguienne, tu commences à m’échauffer les
oreilles, Faujanet ! Eh bien, tu demandes aux garces ! À deux,
Barberine et la Maligou, elles la soulèveront ta porte !
    Et sans plus attendre, mon maître tourna les talons, ce qui
m’obligea à lâcher tout à plein le lourd montant, et je détalai illico, non
sans entendre Faujanet lâcher une bordée d’injures à l’encontre de cette maison
où « personne, oncques, n’aidait personne ! »
    Le baron nous attendait en sa librairie, assis à son bureau,
et tenant une lettre cachetée à la main. Il sourit à son fils quand il le vit
entrer et lui désigna une chaise, tandis que je restai debout, à la droite de
mon maître, mais un peu en retrait.
    — Mon fils, s’occuper du domaine de Mespech est une
belle et bonne chose, et je vous félicite avec Samson d’y montrer tant
d’ardeur. Mais il vous faut aussi, maintenant que le pays est débarrassé de la
peste, et que les gueux de Sarlat ont été occis, que vous goûtiez à d’autres
devoirs, qui sont ceux de sortir de sa tanière, de voir du monde, de causer
alentour, en un mot de vous faire connaître, car les gens n’aiment point tant
les noms que quand ils ont mis un visage dessus et savent à qui ils ont affaire.
Ceci, je le dis pour plus tard, car si nul ne peut prédire encore ce que vous
ferez de votre existence, vous savez que je songe et qu’il me plaît d’imaginer
que vous deviendrez médecin en la ville de Sarlat.
    — Oui, monsieur mon père, et médecin je serai en la
ville de Sarlat, pour vous faire honneur et pour la renommée de notre famille,
répondit Pierre.
    — Nous en sommes loin et longue sera la route, mais il
est bien d’y songer et de s’y préparer. Les temps, hélas, ne sont pas encore
assez sûrs en ce royaume pour que je vous envoie avec votre frère Samson, et
votre gentil Miroul, étudier en Montpellier. Cependant, il faut vous habituer à
vous trouver tous les trois en action, loin de Mespech où vous n’apprenez guère
que la théorique lors que rien ne vaut une saine et honnête pratique.
    À cela, mon maître ne répondit rien mais je sentis à la
tension de son buste sur la chaise qu’il avait hâte d’en connaître davantage.
    — Pour cette toute première fois, il ne s’agit que
d’une mission fort légère, absolument bénigne et sans péril, que je confie à
vous et votre frère Samson. Je souhaite que, sans délai, vous portiez cette
lettre au lieutenant-criminel de la ville de Sarlat et que vous m’en teniez la
réponse, soit orale soit écrite. Miroul vous accompagnera, ainsi aurons-nous
comme une très petite répétition de ce grand voyage que vous entreprendrez tous
les trois en Montpellier.
    Le baron fit un signe en tendant la lettre en direction de
mon maître, lequel se leva, la saisit et la tint respectueusement comme un présent.
    — Si la mission est légère et facile, rien n’est jamais
sans périls dès lors qu’on s’aventure hors de nos

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