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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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que
j’en pouvais penser et quelle pouvait être ma réponse.
    — Si c’est votre souhait, Moussu Pierre… répondis-je en
m’inclinant.
    — Mais ça va nous retarder, objecta Samson.
    — Si peu, Samson, répliqua mon maître, Margot n’est pas
bien lourde, ce n’est pas comme prendre en croupe la Maligou ou Barberine. Le
cheval de Miroul a de l’allant et ne fatigue guère, il est petit mais robuste,
et ne saurait pâtir de cette gentille surcharge. N’est-ce pas, Miroul ?
    — Sans doute, Moussu Pierre.
    Comme j’ai eu à le dire déjà, Samson est plus fin que
d’aucuns se le figurent, et s’il trouva fort déraisonnable pour cette première
mission de s’encombrer d’une garce sur la croupe d’un de nos chevaux, il sentit
que et son frère et moi-même semblaient souhaiter sa présence, fit à mauvais
jeu bonne mine, et n’ajouta rien.
    — Grammerci, Moussu Pierre ! dit la Margot en se
précipitant vers moi.
    Je lui tendis le bras, et s’y accrochant, elle se hissa
derrière moi et posa ses deux mains sur mes hanches.
    — Te rends-tu compte, Miroul ? me glissa-t-elle à
l’oreille.
    De sa folle joie je ressentis un grand bonheur et, encore ce
jour, je suis reconnaissant à mon maître, même si ce fut par faiblesse, d’avoir
permis à Margot de se joindre à nous pour cette inconcevable escapade.
    Dès ce moment, les rôles changèrent car mon maître fit
rétrograder son cheval pour se porter à notre hauteur, ce que voyant, Samson
fit de même, si bien que nous nous trouvâmes tous trois sur la même ligne, et
bien des questions mon maître posait à la Margot qui y répondait vivement avec
son aplomb ordinaire. Cependant, nous n’allions pas grand train de cette
manière et Samson, lequel ne disait rien de tout ce temps, semblait trouver que
cette lenteur ralentissait assez une mission qui avait débuté avec plus de
célérité.
    — Je crains que nous ne soyons à Sarlat avant la midi,
dit-il à la parfin.
    Mon maître sourit, me jeta un regard où je devinais une
certaine malice, et s’écria :
    — Eh bien, Samson, lors piquons donc un petit galop
afin que de rattraper ce retard !
    Et jouant du talon sur son Acla chérie, il s’élança en
avant, les sabots arrière de sa monture projetant alentour quelques mottes de
terre, bientôt suivi par Samson, tandis que je frappais aussi le flanc de ma
bête, laquelle rechigna un peu à s’ébranler, trouvant sans doute qu’on lui en
demandait prou avec ses deux cavaliers. C’était là mauvaise humeur de principe
car, à la vérité, Margot et moi, jeunes et minces comme nous étions à l’époque,
devions peser comme deux moineaux sur le dos de ce robuste petit cheval.
    Margot se colla délicieusement contre moi, enserrant
fortement ma taille de ses deux bras, posant le menton sur mon épaule et, ce
galop, je le tiens encore amoureusement en ma remembrance comme une chaude et
douce intimité avec cette belle garce, et la perfide pensée me vint que c’était
moi qu’elle serrait ainsi, et non mon maître, qui l’eût certainement souhaité
tout autant.
    Puis, pour non pas fatiguer trop les chevaux, nous fîmes du
trot, ce qui nous secoua prou la Margot et moi, et nous fit beaucoup rire,
avant que de passer au pas derechef pour reprendre le même train de sénateur
romain. C’est merveille de penser que la Margot, qui oncques n’était montée à
cheval de sa vie, sauta sur celui-là sans peur aucune, avec la simple certitude
qu’il suffirait de se cramponner à votre Miroul pour ne pas tomber. Du reste,
elle le fit bien, avec force et sans pudeur, à mon plus grand ravissement, et
point ne chuta sur le sol !
    À l’approche de Sarlat, le chemin alla s’élargissant et nous
croisâmes plusieurs convois qui s’en revenaient de la cité. Il était sur le coup
de la midi quand nous pénétrâmes dans l’enceinte et je sentais, aux vives
pressions des doigts de Margot sur mes flancs, son ardente excitation
d’atteindre enfin au but de tant et tant d’enfantines rêveries. Je comprenais
bien ce qu’elle ressentait car, si l’occasion m’avait déjà été donnée d’aller
une fois en cette grande et belle ville, ce n’était que pour un bien triste et
cruel engagement, sans nullement voir la cité animée comme ce jour, avec tant
de presse encombrant ses étroites ruelles, cette bruyante et constante
animation, et ce curieux mélange de bourgeois étoffés et de mendiants
enguenillés.
    Mon maître

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