L'avers et le revers
Jonas,
Escorgol, et – le croirez-vous – votre bon serviteur Miroul. Les
claudicants Sauveterre et Faujanet – et honte assez ai-je à le dire
ainsi – ne furent pas conviés à la fête, si on peut appeler telle un
moment de tueries, car leur boiterie ne leur permettait pas de se battre, mais
aussi parce qu’il fallait des hommes à rester garder Mespech, et leur utilité
était là, et bien réelle malgré leur incapacité.
Je n’ai pas l’intention de narrer cet épisode avec moult
détails, non pas que je rougisse du rôlet que me confia le baron – et que
je vais narrer tantôt – mais parce que mon bon maître l’a confié en ses
Mémoires et qu’il n’est nul besoin de le rappeler céans. Il y eut cependant des
conséquences qu’on ne peut passer sous silence, aussi tristes furent-elles, non
pour moi mais pour d’autres, car il n’y a pas lieu de conter sa vie si on doit
déguiser, cacher ou travestir la réalité.
Adonc, en moindres mots, le baron comptait sur votre Miroul
pour une mission où mon adresse et mon agilité devaient être mises à
contribution. Les gueux gîtaient, nous le savions par M. de La Porte,
en une grande bâtisse de religieux dont le baron-boucher avait expulsé les
survivants pour y établir son quartier général et où, entourés de sa bande, ils
ripaillaient et paillardaient jour et nuit avec des ribaudes, dont la plupart
étaient atteintes du mal de Naples, et leur baillaient donc autant la maladie
que le plaisir.
Le plan du baron était que je montasse sur le toit de la
bâtisse et, enflammant des étoupes contenant des fleurs de soufre, que je les
jetasse par les conduits de cheminées et ainsi, enfumant les gueux, les obliger
à sortir et les canarder un à un, l’avantage du clan des nobles étant de
posséder pistolets et arquebuses. À la pique du jour, après que notre troupe
eut entouré le repaire, et alors que tout dormait encore dans le faubourg, je
fis comme le baron m’avait commandé et sans difficulté aucune, le mur étant
bien aisé à grimper même sans l’aide de mon grappin. Une fois fait, je
redescendis au plus vite et courus rejoindre mon maître, Samson et François,
dont le rôle en cette affaire était de surveiller une ruelle très étroite, un
peu à l’écart, et d’en défendre le passage.
Malheureusement, le résultat ne fut pas celui escompté par
le baron car, après un temps qui parut long, les gueux, ouvrant tout soudain
les volets, jetèrent au-dehors les paquets d’étoupes et de fleurs de soufre, et
en un tournemain, refermèrent les fenêtres, sans quitter la maison.
Puis, alors que le baron avait ordonné une retraite pour, je
cuide, discuter avec Puymartin d’une autre stratégie, Forcalquier décida tout
soudain une sortie avec ses gueux, espérant profiter d’un effet de surprise,
qu’il obtint à vrai dire, car nul ne s’y attendait, et prenant la troupe des
nobles à revers, il s’ensuivit de furieux et confus combats de rue où le sang
des nôtres coula, ce que le baron voulait à tout prix éviter.
Dans la ruelle où le baron nous avait cantonnés, afin que de
nous épargner des plus rudes assauts, nous vîmes surgir sept gueux qui nous
coururent sus et mon maître a narré comme il fit feu de ses pistolets pour en
abattre deux, comme je fis de même avec le mien pistolet, mais comment Samson
et François n’ayant pas ce réflexe, ceci nous obligea à entrer en un combat
incertain à quatre contre quatre. Nous en sortîmes vainqueurs et sans
navrement, hormis une légère blessure au bras pour Samson, mon maître tuant le
sien d’une si effroyable manière que je n’ose la répéter ici, tandis que
François, tout en rompant, fit feu à bout portant avec son pistolet qu’il avait
enfin saisi de la main gauche, et moi avec ma longue pertuisane parvenant
également à percer mon adversaire. Celui de Samson, enfin, se voyant unique
survivant d’une bande de sept peu auparavant, s’enfuit lors à toutes jambes en
nous laissant maîtres du terrain.
À quelques rues de là, le clan des nobles finissait
l’aventure en mettant à vaudéroute les quelques gueux qui n’avaient pas péri
dans les assauts et la victoire fut acquise, définitivement, celle-ci mettant
un terme au triste épisode du baron-boucher de la Lendrevie en la ville de
Sarlat.
Hélas, triste est le gain du combat quand il s’accompagne de
la mort dans son propre camp, et Marsal le Bigle y connut la sienne, avec deux
de
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