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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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de
celui de la rue et de ses périls, plus utile et plus salutaire que mon maître,
lequel était comme un béjaune en ces matières, et cette constatation me gonfla
d’importance. Je compris aussi ce que le baron, qui de la vie avait grande
expérience, voulait signifier quand il disait que la théorique ne valait guère
saine et honnête pratique. Il me sembla également que mon maître, lequel garda
l’air sombre et malengroin jusqu’au logis du lieutenant-criminel, l’entrevoyait
aussi et je gage que cette aventure lui apprit prou et qu’il ne l’oublia pas.
    À l’hôtel particulier, les gardes nous autorisèrent à entrer
dans la cour pavée et à laisser nos chevaux à deux laquais qui les emmenèrent à
l’écurie. Je pensais rester avec la Margot et déjà m’en faisais une douce
félicité quand mon maître m’intima l’ordre de le suivre avec Samson. Je ne sus
si la raison en était qu’il souhaitait montrer ainsi à M. de La Porte
que valet il possédait déjà ou qu’une sournoise jalousie l’empêchait de me
laisser seul avec Margot, et peut-être bien que les deux raisons s’y mêlaient
ensemble, tant il est malaisé parfois de connaître soi-même ce qui pousse à
agir de telle ou telle manière.
    L’escalier en pierre était monumental assez pour ceux qui le
gravissaient, et ainsi avait-il été conçu sans doute pour impressionner le
visiteur et lui rabattre la crête avant que d’encontrer le lieutenant-criminel
de la ville de Sarlat. Un domestique aussi silencieux que poisson en bocal nous
introduisit dans un bureau, très grand également, et bien éclairé par de vastes
fenêtres à meneaux. Seul assis à une vaste table, M. de La Porte se
leva à notre entrée et, les bras tendus en avant, s’approcha de mon maître et
de Samson. Comme le lecteur l’imagine, je me tenais en retrait, deux pas
derrière eux, l’air humble et respectueux.
    — Ainsi donc, voici les fils de notre cher baron de
Mespech ! dit-il d’une voix avenante.
    — Je me nomme Pierre, et mon frère, Samson, et celui-ci
est Miroul, notre valet, répondit mon maître en serrant la main du
lieutenant-criminel, lequel serra ensuite celle de Samson, et me gratifia même
d’un bref regard.
    — Voilà bien deux magnifiques garçons qui font honneur
à la réputation du baron, reprit M. de La Porte, et comment donc va
ce grand et cher ami ?
    — Mon père se porte à merveille, par la grâce de Dieu,
et il vous transmet son amitié et sa fidélité.
    — Ah, je n’en suis du tout étonné ! N’a-t-il pas
toujours été d’une santé à faire pâlir un immortel ? Quant à son amitié et
fidélité, elles dépassent de beaucoup celles de nombre de nos nobles
catholiques, lors même que votre père a embrassé la religion réformée, dit
M. de La Porte en retournant à son bureau.
    M. de La Porte était un bel homme d’une
cinquantaine d’années, de complexion robuste, mince de corps et sec de visage,
l’allure énergique. Il portait avec élégance un habit de satin bleu et son
riche pourpoint était surmonté d’une fraise large et magnifique.
    — Bien, bien cela. Que me vaut le plaisir de votre
visite ? demanda-t-il soudain comme si les civilités qu’il avait répandues
à foison dans la pièce étaient à présent terminées.
    Mon maître s’approcha du bureau et, avec un sérieux qui
m’impressionna, lui tendit la lettre de son père.
    — C’est ce courrier qu’il vous fait tenir par nous et
dont il requiert prompte réponse, orale ou écrite.
    M. de La Porte saisit la lettre, regarda un
instant la belle écriture du baron qui indiquait son nom puis, à l’aide d’un coupe-papier
en or, l’ouvrit d’un geste court et précis. Pendant la courte lecture, il y eut
un moment de silence qui fut brusquement interrompu par un rire sonore,
M. de La Porte se renversant en arrière sur le dossier de son
fauteuil, s’esbouffant à gorge déployée, à tel point qu’il en lâcha la lettre,
laquelle tomba sur le tapis, sous le bureau.
    — Ce cher baron ! parvint-il à dire en séchant des
larmes qui lui brouillaient la vue et la mine toute réjouie encore de ce qu’il
venait de lire, aussi loin que je cherche en ma remembrance, je n’ai souvenance
d’une si plaisante mission donnée à sa géniture !
    Samson ouvrait des yeux aussi grands qu’une écuelle où seule
la surprise se lisait, mais je notai que mon maître prit un air pincé, un peu
piqué que cette grande

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