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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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son
blason et jeter le tout aux herbes folles était fort naturel. Que Dieu me pardonne
ma déraison, mais tel Jésus de Nazareth, j’ose demander aux lecteurs lequel lui
jetterait la première pierre, et suis bien certain que chacun ressent en son
âme le tourment que mon maître endura en cette occasion.
    Pour ma part, l’affaire fut fort différente, outre que mon
pauvre père, du ciel où il logeait déjà à cette époque, y était pour néant,
j’étais bien consolé de ma peine à sentir les douces mains de la Margot qui
étreignaient et palpaient mes flancs derechef, toute à sa joie, plaquée contre
mon dos, de découvrir le grand Sarlat dont elle rêvait depuis pitchoune en ses
linges et maillots. Tout l’étonnait, tout la ravissait, tout la divertissait,
et mon oreille était la confidente de ses émeuvements et enchantements, à la
vue de toutes les bruyantes et insolites animations de la ville.
    Ainsi nous traversâmes ruelles et venelles, mon maître en
tête, solitaire et perdu en ses lugubres pensées, Samson ensuite, dont oncques
ne sus exactement ce qu’il pensait de cette comédie de lettre car son visage
demeurait calme et serein comme à l’ordinaire, et nous deux, elle me serrant
comme une amoureuse – et, telle, la foule devait l’imaginer en
vérité –, jasant et causant à l’infini de tout ce que nous apercevions,
car si je fais l’affranchi céans devant vous, lecteur, j’en découvrais tout
autant des merveilles que je n’avais jamais vues.
    À la sortie de la ville, cependant, alors que l’enceinte en
était juste dépassée, mon maître nous stoppa, et ayant – ce me
semble – repris quelques couleurs à la perspective de possibles périls,
nous demanda sur le ton du commandement de patienter quelques minutes pour
vérifier que nul ne nous suivait. J’y vis là grande sagesse, car les gueux se
faufilent dans la foule sans qu’on les remarque, et savent traquer le gibier
pour surgir où on ne les attend pas. Mais nous ne vîmes rien ni personne
franchir à notre suite les portes de la ville, et nous reprîmes notre route,
piquant un vif galop pour nous retrouver au plus vite dans le couvert du
sous-bois.
    Des embûches, nous n’en eûmes aucune sur la route du retour
tant et si bien que Samson se porta à hauteur de mon maître et devisant avec
lui, non de la lettre de leur père, mais de la cité de Sarlat, de sa presse, de
son exubérance et de son opulence, s’appliqua à soigner l’âme meurtrie de son
frère en le distrayant de son mieux. Brave et discret Samson qui sentait si
bien les choses pour les autres qu’il en oubliait de les vivre pour lui-même, à
tel point qu’une étonnante indifférence semblait l’habiter quant aux événements
et traverses de l’existence.
    De mon côtel, ce retour fut une félicité, Margot me serrait
doucement contre moi et nos corps s’épousaient finement au gré du balancement
du cheval. Dans les descentes, car le chemin était montueux et malaisé, son
buste s’alourdissait, sa poitrine massait mon dos, ses jambes pressaient les
miennes, et je voyais soudain son museau passer par-dessus mon épaule. Elle ne
faisait rien pour se retenir, laissant la nature et les caprices du chemin nous
rapprocher et nous unir, puis nous disjoindre, puis nous réunir derechef,
s’abandonnant lascivement, cuisses ouvertes enserrant mes flancs. Le désir me
submergea à plusieurs reprises, que je dus soumettre et étouffer, et je ne
saurais affirmer si Margot, par sa position et sa féminité, alla plus loin, en
cachette derrière moi, mais je le crois assez, puisqu’il me sembla percevoir,
deux ou trois fois, comme un soupir ou un râle étouffé qui lui sortait du
dedans et la parcourait d’un frisson. Chère et tendre Margot, si j’ai pu ce
jour-là, tout en guidant les pas de mon cheval, te donner un long et suave
plaisir, j’en suis encore tout atendrézi et empli de bonheur !
    Mais on le sait tous, et il faut s’en faire une raison, rien
ne dure, hélas, et tout s’interrompt, ne laissant que le regret du passé qui
oncques ne se retrouve. Non loin de Mespech, elle me montra un sentier qui
partait à sénestre et me fit signe qu’elle devait descendre et regagner son
logis. Ah, vramy, je l’aurais bien emmenée ainsi au bout du monde, et au-delà,
mais je laissai pendre mon bras sur le côté afin qu’il lui serve de liane, et
s’enroulant autour, elle se jeta au bas de la monture.
    Mon maître fit effectuer un

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