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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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demi-tour à son Acla chérie et
envisagea Margot avec gravité.
    — Margot, fit-il d’une voix ferme, je ne souhaite pas
que ceux du château sachent qu’à Sarlat tu nous accompagnas.
    — Et que dirai-je à mon père. Moussu Pierre ?
    À cette réponse qui dissimulait habilement tout en ne
cachant rien de la vraie question, mon maître s’esbouffa tout à plein, et ceci
me fit grand plaisir de le voir tant joyeux après une si longue et triste
pénitence.
    — Ah, Margot, tu es aussi fine de corps que
d’esprit ! répondit mon maître.
    Déliant sa bourse, il en sortit deux sols et les lança à
Margot.
    — Deux sols pour une journée de travail à Mespech,
c’est deux fois plus que ce que me baille M. de Sauveterre !
s’écria-t-elle mi-ravie mi-épouvantée.
    — Certes, Margot, et ainsi ferons-nous : le
premier sol est pour ton père comme preuve que tu as passé le jour au
château ; le second est pour toi.
    — Pour moi ?
    — Ou, si tu préfères, pour ton charme grâce auquel le
voyage sur ces chemins empoussiérés fut plus plaisant.
    Et se tournant vers moi, il ajouta ce trait que je reçus
sans ciller :
    — N’est-ce pas, Miroul ?
    — Grammerci, Moussu Pierre, s’écria Margot, et bien
généreux vous êtes de me payer alors que vous m’avez déjà offert la plus belle
journée de ma vie !
    Puis, faisant une courte révérence, elle nous tourna le dos
et s’engagea gaillardement dans le sentier, vers sa ferme, balançant les bras
avec vigueur et se déhanchant fortement. Mon cœur se serra de la voir
disparaître ainsi, sans se retourner une seule fois, mais d’éperonner mon
cheval je fus vite obligé, mon maître et Samson s’étant remis en route. Et de
me retrouver si seul sur ma monture sans le contact et la chaleur de son corps
dans mon dos, je me sentis orphelin et tout marmiteux.
    Comme le premier pont-levis était en vue, mon maître se
retrouva au botte à botte avec moi, et posant sur moi son regard azuréen, il
m’interpella :
    — Eh bien, mon brave Miroul, que te pense de cette
courte équipée en la ville de Sarlat ?
    Du rôlet de valet, humble et dévoué serviteur, il est une
règle aussi dont je souhaiterais vous causer, et que j’appris très tôt, car
elle est collée à votre peau tel l’habit que l’on porte. Quand le maître
demande vos sentiments, c’est souvent pour n’entendre que le reflet des siens,
et non véritablement les vôtres, comme s’il vous prenait pour un miroir et non
pour ce que vous êtes en réalité. C’est sa manière à lui de vous considérer en
confident, que vous n’êtes point, et c’est une tradition chez lui tellement en
usage qu’il ne comprendrait pas que vous passiez à côté. Mais, en se calquant
de la sorte bien précisément sur son humeur, on récolte aussi toutes sortes
d’informations, autrement instructives, qu’il faut savoir écouter comme si on
ne les oyait pas vraiment, et faire mine plus tard, à l’occasion, de ne les
avoir jamais entendues.
    À cette question, moi dont le pensement était tout de Margot
empli jusqu’à déborder, je répondis avec l’habileté du valet qui connaît son
métier et sa fonction.
    — J’ai été déçu, Moussu Pierre, que nous n’étions pas
en charge d’une belle et vraie mission.
    — Moi aussi, mon brave Miroul, moi aussi, répondit-il
en soupirant.
    — Mais cependant, ajoutai-je, nous l’avons accomplie
comme telle, quelle différence alors ? Et n’est-ce pas ce dont votre père
voulait s’assurer avant que de nous en confier de plus hautes et de plus
importantes ?
    — Sans doute, Miroul, sans doute.
    Là s’arrêta mon rôle de confident car, m’ayant donné une
petite tape dans le dos, comme si ce fut moi qui étais à réconforter, il ne
m’adressa plus la parole jusqu’à l’île où, sautant à bas de la belle Acla, il
me la confia en me demandant de la desseller, de la bichonner avec de la
paille, de la faire boire et de lui donner une bonne brassée de foin. Il
s’approcha de Samson et, d’une voix assez basse mais qui ne le fut pas
suffisamment pour m’empêcher d’ouïr pleinement, il lui dit en lui montrant la
lettre :
    — Samson, en bon chien fidèle, je m’en vais incontinent
porter à mon maître cette balle trouvée dedans l’étang.
    Samson ne répondit rien à cette saillie qui exprimait
l’amère potion que mon maître buvait en ce prédicament, et il n’y avait rien à
y reprendre tant il est vrai

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