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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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s’enfonça dans la nuit, éclairée encore
quelques instants par les lueurs d’un feu sur la plage. On n’entendait plus que
ses pleurs. Le bébé ne s’était pas réveillé.
    Jésus sentit qu’il devait dire quelque chose. Il
se tourna vers les quatre hommes qui le regardaient et, élevant la voix pour
être également entendu de ceux qui, tout autour, écoutaient :
    « Je vous le dis, à vous qui voulez me
suivre : vous devrez tout abandonner. Vos pères et vos mères, vos femmes
et vos enfants, vos amis passeront après moi. Je vous demande le sacrifice de
tout ce que vous aimez, de tout ce qui vous a été cher jusque-là. Sinon, ce n’est
pas la peine de venir. Tu entends, Simon, puisque c’est toi qui es en cause :
je ne t’en voudrai nullement si tu décides de me quitter maintenant. Mais si tu
veux continuer avec moi, il faut tout laisser derrière toi. »
    Un lourd silence succéda à ces phrases. Nul
pourtant des quatre hommes n’esquissa le moindre geste de repli. À peine Simon
jeta-t-il un œil chargé de regret sur son bateau, amarré au bord du lac. C’était
une belle barque de huit mètres de long, pouvant contenir sept personnes, et
qui avait dû lui coûter très cher, tant le bois était rare. Le vent gonflait
légèrement sa voile carrée, nouée au mât. Puis il se sentit ragaillardi : ce
sacrifice qu’il faisait, d’autres le feraient.
    Judas resta estomaqué par le culot de Jésus, et
la victoire facile qu’il remportait. Cet homme avait décidément quelque chose d’exceptionnel.
La détermination des pêcheurs les fit remonter dans son estime et effaça ce que
cette réunion de pauvres rustres avait pour lui de déplaisant.
    Le lendemain matin, Jésus
n’était pas là.
    « As-tu vu le maître ? »
    Jean avait réveillé tout le monde, paniqué.
    « Laisse-nous dormir et ferme-la, le
reprit durement André. Personne ne t’a abandonné. Il a eu envie de s’isoler, et
voilà tout. »
    Mais c’était trop tard : ils étaient tous
réveillés.
    « Attendons un peu, acquiesça Jacques, vexé
que l’on rabroue ainsi son frère. Je suis sûr qu’il sera là avant que le soleil
ne soit haut. »
    Jésus revint effectivement près d’une heure
plus tard.
    « Maître, nous étions si inquiets »,
clama Jean en se jetant à ses pieds.
    Jésus le regarda avec un sourire très doux.
    « Ce n’est rien, Jean. Je parlais avec
mon père dans le désert. »
    Les hommes se regardèrent. De qui parlait-il ?
Mais Jésus ignora leur étonnement. Il attrapa un morceau de pain et mordit
dedans à grandes dents.
    « J’ai parlé avec lui, et nous avons pris
une décision. Il faut aller répandre la nouvelle dans toute la Galilée. »
    Un frémissement parcourut la troupe. « Tu… »
    Simon avait commencé une phrase.
    « Oui, Simon ?
    — Non. Rien… Quand veux-tu que nous
partions ?
    — Je vous ai dit de tout laisser derrière
vous. Mais s’il y en a qui préfèrent encore changer d’avis…
    — Non, non, excuse-moi. Je suis à ta
disposition. Quand souhaites-tu donc t’en aller ?
    — Au coucher du soleil. Il sera moins dur
de marcher. »
    Myriam revint après le repas, accompagnée d’une
vieille dame toussant et crachant. Elle fit exprès de ne pas regarder Simon, qui
s’était levé pour la chasser, et se tourna vers Jésus.
    « Tiens, toi qui es si malin, guéris donc
ma mère qui est malade.
    — Pourquoi me détestes-tu, femme ? Ne
sens-tu pas qu’il est des choses qui nous dépassent tous, et qu’elles t’ont
effleurée ? Ne peux-tu t’en réjouir au lieu de te lamenter ?
    — Des “choses” ? Quelles “choses”
peuvent venir de bon d’un lamentable guérisseur ? Vas-y, je te dis, soigne
ma mère. Allez… Tu auras au moins fait ça… »
    Jésus fit signe à la vieille dame d’approcher.
Myriam les regardait, l’air méchant.
    Il lui passa la main sur le front, qu’il
trouva brûlant. Il lui tâta le pouls, regarda ses yeux, la fixant longuement. La
vieille détourna la tête, gênée. Jésus la lui reprit entre ses mains et la
maintint serrée.
    « Arrête », lui dit-elle.
    « Non. Regarde-moi. Cela te fera du bien. »
    Il la lâcha quelques minutes plus tard.
    « Te sens-tu mieux ? »
    La vieille paraissait éberluée.
    « Oui, murmura-t-elle, beaucoup mieux. Je
n’ai plus si chaud. Merci, rabbi, tu es un grand maître. »
    Jésus fouilla dans son sac et lui tendit
quelques herbes.
    « Tu boiras cela ce

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