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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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c’est lui. »
    Judas remercia, acheta une petite brochette de
rognons et se dirigea vers l’attroupement.
    Une voix forte dominait la foule. Il sut tout
de suite que ce n’était pas Jésus, tant par la criarde vulgarité de celui qui
parlait que par ce qu’il disait :
    « Il n’y aura bientôt plus que la lumière
pour vous sauver. Rejoins les fils de la lumière, homme aveugle. Rejoins-les et
tu verras… »
    Encore un de ces magiciens, de plus en plus
nombreux, qui annoncent la fin du monde et en profitent pour abuser les gens
par quelques tours… Des malades lui furent amenés. Il sortit des plantes d’un
sachet sur lesquelles il murmura des incantations inaudibles et les distribua. Une
femme, qui bavait, parut calmée par ce qu’on lui administra. L’assistant passa
à travers la foule avec une sébile. Judas remit son sac sur son dos.
    Il sentit qu’il approchait de Capharnaüm en
voyant se multiplier les barques couchées sur le ventre. Le lac étincelait au
soleil, immobile et lourd. Les pêcheurs travaillaient, et on pouvait juger à l’inclinaison
des embarcations la qualité de la pêche.
    Judas n’aimait pas plus cette ville, devenue
le centre administratif de la « Galilée des gentils » et envahie
régulièrement de Phéniciens, d’Arabes, de Syriens et des inévitables Grecs, qu’il
n’appréciait Tibériade. Station de douanes, lieu de regroupement de la plupart
des pêcheries du nord du lac, Capharnaüm changeait d’année en année, et Judas n’y
retrouvait jamais vraiment ses marques. Il atteignit pourtant très vite la
synagogue qui, toute en pierre blanche et bâtie sur une plate-forme, se voyait
de loin. Une importante légion romaine était installée à côté. Tout paraissait
propre et en ordre, les plus riches des maisons, construites en basalte noir et
couvertes de toits de roseaux et d’argile, se poussaient du col en laissant
monter portiques et colonnades.
    Quelques mendiants attendaient à la porte du
bâtiment, dont l’entrée était soigneusement interdite aux non-Juifs.
    « Tu es là depuis longtemps ? »
    L’homme cracha dans la direction de Judas un
long jet noir, auquel succéda un silence. Judas comprit, mit la main à sa poche
et en tira un demi-siècle.
    « Je cherche un prédicateur grand, brun, plus
très jeune… Il annoncerait l’arrivée du royaume…
    — Il est venu hier et ce matin. Il a
causé un sacré trouble. »
    Un sourire tordit la face usée.
    « Il s’en est pris au rabbin Eléazar, qui
a voulu le faire sortir. C’était plutôt drôle.
    — Qu’est-ce qu’il a dit ?
    — Je ne sais pas. Tu sais, moi, les
détails…
    — Et qu’est-il devenu ?
    — Il a fini par partir. La plupart des
gens ont pris le parti du rabbin, alors il a dû céder. Je ne sais pas où il est
allé. Va voir près des pêcheries. »
    Judas dépassa la ville et arriva dans les
camps des pêcheurs. Des poissons séchaient au soleil sur des claies. L’odeur
des écailles piétinées se mêlait aux parfums des roses et des orangers. De loin,
il reconnut la silhouette qu’il cherchait.
    *
    *   *
    Jésus était en train
d’essayer de faire démarrer un feu. À ses côtés un homme, très noir de peau, lui
montrait comment installer le bois pour que le vent crée un conduit d’aération.
Derrière eux se déployaient sur le lac les corolles des éperviers.
    « Regarde, rabbi. Tu le disposes comme ça.
Ah, tu parles bien, mais tu ne m’as pas l’air très dégourdi… »
    Un gros rire secoua la carcasse de l’homme, que
sa vulgarité rendit d’emblée antipathique à Judas.
    « Jésus ! Je suis revenu. »
    Il avait parlé suffisamment fort pour faire
sursauter le pêcheur. Jésus se leva et se tourna vers lui. Son visage s’illumina.
    « Judas ! Quel bonheur tu me fais !
J’avais craint que nos discussions ne t’aient pas laissé le même souvenir qu’à
moi. »
    Il l’enlaça, puis se tourna vers le pêcheur, qui
était resté au coin du feu, son bout de bois à la main.
    « Laisse-moi te présenter cet homme. Simon
m’a accueilli avec une gentillesse et une écoute rares. Le pays est rude et l’on
m’a envoyé paître presque partout où je suis allé. Tiens, assieds-toi avec nous. »
    La joie inondait son visage, même quand il évoquait
l’échec de ses premières tentatives.
    « Je suis vraiment heureux de te revoir. Avec
toi, je me sens moins seul. Avec toi, et eux. »
    Il tourna sa main vers les hommes qui

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