Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
Vom Netzwerk:
pour manger… Judas, qui avait connu les
mêmes pauvres richesses et les avait lui aussi abandonnées, se sentit à son
tour le cœur gris.
    Leur vie recommença
comme avant le départ de Judas qui, à nouveau, organisa les déplacements :
il partait annoncer dans les villages la venue du maître, vérifiait qu’il lui
serait possible de parler sur une place ou une colline, essayait de trouver des
auberges et des khans quand la fatigue les y contraignait. Il vérifiait les
approvisionnements, assignait aux plus costauds la tâche de protéger Jésus.
    Il était parfois nécessaire de se battre. Les
déclarations de Jésus sur les sacrifices, la manière qu’il avait de mettre ses
principes avant la Loi, le « je » qu’il employait pour faire parler
Dieu, suscitaient souvent la colère, et certains rabbins dans les villages
mobilisaient leurs ouailles pour l’accueillir. Deux fois déjà, ils s’étaient
enfuis sous les pierres. André et Jacques avaient été blessés, et Jacques n’avait
dû qu’à la chance de ne pas perdre un œil sous le choc d’un caillou qui lui
avait cependant ouvert l’arcade. Deux disciples, deux frères vignerons de
Tibériade, s’étaient emparés du meneur qu’ils avaient roué de coups avant de le
rejeter, titubant, vers les siens. Un autre soir, le charme gracile de Jean lui
avait attiré les hommages très pressants d’un Grec qui partageait leur repas. Il
ne s’était sorti de ses griffes qu’en criant très fort, quand celui-ci s’était
rapproché de l’endroit où il dormait. Le Grec avait été quelque peu molesté par
les compagnons de Jean. Jésus avait désapprouvé cette réaction.
    « Qu’as-tu voulu dire par : “Tends l’autre
joue” ? lui demanda le jeune garçon, qui redoutait encore que Jésus ne
croie qu’il avait favorisé cette audacieuse démarche.
    — J’ai voulu dire : traite-moi comme
ton égal…
    — En s’offrant aux coups ?
    — Pas à n’importe quels coups. Comment
tapes-tu ?
    — Comme je peux, et le plus fort possible. »
    Jésus rit.
    « Tu tapes un esclave avec le plat de la
main, tu tapes quelqu’un que tu veux humilier de la main droite. Moi je tends l’autre
joue pour que l’autre me tape d’égal à égal. Après, nous sommes tous les deux
des êtres dignes. Et là nous pouvons nous frapper. »
    Il sourit malicieusement.
    « Et tu verras qu’à partir de ce
moment-là, on le fera beaucoup moins… »
    Les recrues aussi
avaient afflué et Judas nota avec déplaisir que les suivait désormais, parmi
les femmes, Suzanne, épouse de Chouza, l’intendant d’Hérode. Il y avait aussi
eu des défections, et Jésus pouvait se montrer cruel, ne cherchant visiblement
pas à se concilier tout le monde : il avait ainsi refusé le fils de bons
bourgeois de Jéricho, qui était prêt à le suivre mais pas à abandonner tous ses
biens, un autre qui souhaitait avant de venir pouvoir enterrer son père, un
troisième qui voulait simplement dire au revoir aux siens… D’autres partaient, déçus,
n’ayant pas trouvé ce qu’ils cherchaient dans cette quête fatigante et les
aphorismes obscurs qui l’accompagnaient. Jésus était, lui, de plus en plus
enflammé, de plus en plus brillant. Il continuait de stigmatiser l’occupation
romaine, d’annoncer la venue de Dieu sur terre, mais il se lançait aussi de
plus en plus fréquemment dans des paraboles confuses, même aux oreilles de
Judas.
    Petit à petit les
douze hommes envoyés en ambassade revinrent. Philippe s’afficha même avec une
femme, rencontrée en route. Jésus dut longuement discuter avec lui pour lui
faire comprendre que ce concubinage était difficilement compatible avec sa
mission, et qu’il valait mieux qu’il renonçât. Il finit par se laisser
convaincre, et la femme repartit.
    Pierre et Thaddée furent les derniers. Globalement,
les douze revenaient avec de bonnes nouvelles. S’ils s’étaient souvent, comme
Jacques et André, heurtés aux pharisiens présents sur place, ils avaient été
admis dans la plupart des villages. Même si aucun d’entre eux n’avait le génie
oratoire de Jésus, la réputation de leur chef les avait aidés à s’imposer. Pierre
avoua ne pas toujours avoir lui-même compris ce qu’il disait, mais s’être senti
porté par quelque chose. Essayait-il par là de se montrer sous la même
influence que Jésus ? Judas le crut et ne put que sourire. Leurs
exorcismes les avaient surexcités, et ils se livrèrent

Weitere Kostenlose Bücher