Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
Vom Netzwerk:
recula devant la fureur de l’apôtre.
    « Mais la petite fille…
    — Tais-toi, te dis-je. Et garde foi en
ton dieu, au lieu de te laisser abuser. »
    Jésus ne réagit pas. Il était fatigué et
demanda à Judas de s’occuper de leur trouver un abri pour la nuit.
    « Essaie de trouver quelque chose de
confortable. Ce soir, je sens que j’ai besoin de dormir. »
    Quand ils partirent le lendemain, un autre
homme l’interpella :
    « Toi qui guéris ceux que tu choisis, que
ne fais-tu pleuvoir afin de sauver nos récoltes ? Regarde, tout est brûlé,
et nous n’aurons pas de quoi manger cet hiver. »
    Jésus eut un sourire triste :
    « Je ne commande pas aux éléments, homme.
Mais mon père veille sur toi. »
    L’homme partit en grommelant que c’était
facile à dire. Judas regarda Jésus, comme s’il attendait une explication de
cette impuissance : il n’en obtint que ce regard fixé au-delà du monde et
des hommes qu’il détestait.
    « Des faux messies et des faux prophètes
se lèveront et feront des signes et des prodiges pour égarer, si possible, même
les élus », leur dit-il plus tard.
    Jésus se sentait de
plus en plus mal à l’aise avec les guérisons qu’il faisait. Le jour où il
réussit à faire passer à une petite fille une toux très forte qui la secouait
tant qu’elle en crachait un peu de sang, il renvoya tout le monde et voulut s’enfermer
dans sa tente. Seul Judas, une fois de plus, eut accès à lui.
    « Que se passe-t-il ?
    — Tout ceci me semble très vain : les
gens ne viennent plus m’écouter, ils viennent se faire soigner. Les foules sont
bêtes, et j’ai l’impression de m’égarer.
    — Tu as quand même guéri cette enfant…
    — Et qu’est-ce que cela prouve ? Quand
j’ai nettoyé les yeux de ce prétendu aveugle, la crédulité a transformé en
miracle un simple geste de bon sens. Quand j’ai guéri le paralytique, j’ai
senti en moi un pouvoir. L’âme humaine est mystérieuse, et Dieu seul peut y
lire. Je ne suis que Son instrument. Si ces hommes sont guéris, c’est parce qu’ils
ont cru en mon père. Mais rien ne dit que ce paralytique guéri aura accès au
royaume s’il n’a pas été aussi guéri dans son cœur. Et cela, seul lui peut le
savoir.
    — Il marche : c’est déjà beaucoup.
    — Mais marchera-t-il à mes côtés ? Le
vrai miracle, c’est sa transformation. Dieu vous aime et vous respecte libres. Il
vous envoie des signes. Mais n’en attendez pas de preuves. Mes miracles n’existent
pas sans Sa parole. Il veut que je la transmette, pas que j’écrase les hommes
sous Son pouvoir.
    — Pourquoi alors ne pas carrément frapper
un grand coup et terroriser nos ennemis ?
    — Satan m’a déjà proposé dans le désert
de profiter du pouvoir que Dieu m’accorde. Cela serait insulter l’homme que de
lui refuser jusqu’au bout le choix. Et croyez, même si vous ne comprenez pas. »
    Les douze élus
tenaient désormais à être appelés apôtres et se targuaient de leur élection. Leur
mission, dont le compte rendu à Jésus avait été relativement objectif, devenait
de plus en plus épique au fil de leurs récits. Celui qui s’en vantait le plus
était Pierre, puisque doublement choisi par le jeu de mots de Jésus qu’il
colportait avec persistance, et les simples disciples se mettaient eux-mêmes à
leur accorder ce statut qu’ils réclamaient tant.
    Ils avaient pourtant encore des difficultés à
comprendre les discours de leur maître (plus parfois même que ses auditeurs qui
saisissaient souvent très bien les paraboles mettant en scène leur quotidien :
moissons, pluies, salaires trop chiches…), mais n’osaient montrer cette
incompréhension, de peur qu’elle ne les dépossédât de la place qu’ils avaient
acquise. Des tensions naissaient de ces prétentions, et plusieurs fois Jésus
leur avait reproché avec violence d’avoir l’esprit borné.
    « Je vous apporte un air nouveau et vous
ne savez que me rejeter au visage vos sectes et vos habitudes… »
    Aussi tentait-il de définir sa mission. Ce
jour-là encore, des centaines de personnes étaient venues l’écouter. Jésus
avait commencé à parler depuis sa barque. Sa locution favorite, ce « En
vérité je vous le dis » qui tapait parfois sur les nerfs des disciples, était
appréciée des foules, comme l’étaient ses gestes si simples, sa présence
rassurante, tout ce que Judas, se souvenant de ses tournées nocturnes avec

Weitere Kostenlose Bücher