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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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bord.
    — Je ne sais pas, Pierre. Mais je suis
sûr qu’il a d’autres desseins, des desseins que nous comprendrons quand il
souhaitera que nous les comprenions. »
    Judas sourit d’un air malicieux. D’abord parce
qu’il aimait face à ces Galiléens peu vifs jouer à celui qui en savait plus que
tout le monde, ensuite parce qu’il savait que Jésus finirait par aller là où
lui, Judas, voudrait l’emmener.
    Le lendemain soir, ils
eurent à se battre violemment. Jésus n’avait pas été très bon : la fatigue
sans doute, l’usure peut-être. Ses mots avaient été moins riches que d’habitude,
il s’était lancé dans une parabole dont lui-même, au bout d’un moment, n’avait
plus vraiment l’air de savoir où elle allait le mener. Il n’avait guéri
personne. Les auditeurs étaient repartis, déçus.
    « Il y a des jours où j’ai l’impression
que rien ne me vient. J’espère que ce n’est pas grave. »
    Judas lui mit la main sur le bras.
    « Bien sûr que non. Nous avons tous nos
hauts et nos bas. Même quand tu faiblis, ton message passe. Regarde aujourd’hui :
deux ou trois personnes au moins sont reparties troublées. Ce n’est pas parce
que tu as fait des moissons plus larges qu’il te faut dédaigner ces quelques
épis.
    — Tu as raison. »
    Les moments de doute étaient chez Jésus à la
fois fréquents et courts.
    « Il n’empêche que je n’ai pas envie de
passer la nuit ici. Si nous gagnions plutôt Aïn Tabgah ? Penses-tu que
tout le monde est trop fatigué ?
    — Ça devrait aller. Nous n’avons guère
bougé de la journée. »
    Seul Barthélémy, qu’une blessure au pied
gênait, protesta.
    À la sortie du village se dressaient deux amas
rocheux qui s’émiettaient en permanence sur la route. Une dizaine d’hommes en
surgirent, armés de bâtons.
    « Te voilà, usurpateur ! »
    Celui qui parlait était un grand homme, très
sale, à demi nu et à la pilosité envahissante.
    « Qui êtes-vous, frères, et que
voulez-vous ? répondit Jésus.
    — Tu oses nous appeler frères, toi, traître
et voleur !
    — Voleur de quoi ? Que t’ai-je pris ?
    — Tu dis que tu es le messie. Le messie, c’était
Jean, intervint un autre.
    — Et sa mort ne t’autorise pas à prendre
sa place, cria un troisième.
    — Jean lui-même m’a désigné, répliqua
Jésus. Et je n’ai jamais dit que j’étais le messie.
    — Qui es-tu alors ? répliqua le
premier.
    — Nous sommes plus nombreux, rentrons-leur
dedans, se mit à tempêter Judas.
    — Calme-toi, lui répondit Jésus. Discutons…
    — Il n’y a rien à discuter », reprit
l’homme.
    Soudain ils reconnurent Jacques et André, qui
avaient été avec eux aux côtés du Baptiste.
    « Et vous, traîtres, qui l’abandonnez
pour suivre le premier venu. Renégats, lâcheurs ! »
    Une pierre jaillit et manqua André de peu. Sur
un cri, les disciples de Jean se précipitèrent.
    La bagarre fut courte et extrêmement violente.
Des deux côtés, coups de poing, coups de pied, pierres furent échangés. Mais les
hommes de Jésus étaient plus nombreux. Lui-même n’hésita d’ailleurs pas à se
défendre.
    Ils passèrent la soirée à panser leurs plaies.
Pierre avait deux dents en moins. Philippe surtout avait une plaie à la tête
qui saigna beaucoup. Les autres n’avaient que des bleus. Pierre et Jacques
avaient été les plus féroces, et le fils de Zébédée tenait encore dans ses
mains une touffe de cheveux.
    Tous ne juraient que revanche et vengeance. Jésus
dut les calmer.
    « Se battre n’est jamais la solution. Les
disciples de Jean se trompent sur mes intentions. Mais ils sont de notre côté. Nous
ne devons pas nous diviser ainsi. Dieu est derrière nous tous. »
    Du coup ils s’endormirent là où la bagarre
avait eu lieu, et organisèrent des tours de garde. En ronchonnant, Barthélémy
prit le premier.
    Le lendemain, Jésus
fit venir Judas :
    « Tu as vu ce qui s’est passé hier ?
    — Oui. Tu as vu aussi que nous avons
triomphé ? »
    Il y avait toute la joie du lutteur dans le
ton de Judas.
    « Cela m’est égal. Je ne cherche pas à
vaincre, et surtout pas par le poing.
    — Même pas ceux qui nous attaquent ?
    — Ils prêchent la même parole que nous. N’y
a-t-il donc pas moyen de ne pas tout le temps se battre ?
    — Tu veux dire de s’unir contre un ennemi
commun ?
    — Non, je veux dire de vivre en paix sans
tout le temps cette obligation de

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