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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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là, pensa- t-il, les descendants des fermiers et des chasseurs et des bûcherons jaillis du désert, assoiffés de justice et de liberté ? Est-ce là le peuple créé dans la grandeur par les travaux de Franklin et de Jefferson, le nouveau monde de géants chanté par Whitman ? »
    Il pénétra dans le drugstore et commanda du jus d’orange, du café et des toasts.
    Il retrouva Cahoon vers une heure, au célèbre restaurant de Beverly Hills. La salle était grande et sombre, conçue dans le style surprenant, curviligne, des décors de cinéma. Un seul uniforme – celui d’un sergent d’infanterie – faisait tache dans la foule bruyante des civils. « On dirait, pensa Michael en s’accoudant au bar, une salle de bains décorée par une vendeuse des Galeries pour une reine balkanique. »
    L’image lui plut et il regarda avec moins de déplaisir les gros hommes hâlés en vestes de tweed, les belles femmes impeccablement poudrées, aux chapeaux étonnants, assis autour des tables, et dont les yeux disséquaient chaque nouvel arrivant. Il régnait dans la salle une généreuse atmosphère de fête ; les gens échangeaient avec bonhomie des tournées et des claques sur les épaules, et tout le monde parlait plus fort que d’habitude. Plus que toute autre chose, cette ambiance rappelait à Michael celle des bars chics de New York, la veille du premier de l’ An , lorsque personne n’est encore ivre et que tout le monde a devant soi la perspective d’une nuit d’espoir et de beuveries.
    Des rumeurs et des anecdotes sur la guerre circulaient déjà. Un c élèbre directeur traversa la salle, le visage grave, chuchotant à qui voulait l’entendre qu’il ne voudrait pour rien au monde que cette histoire se répande, mais que nous n’avions pas un seul navire dans le Pacifique et qu’une flotte avait été signalée, à trois cents milles au large des côtes de l’Oregon. Et un dialoguiste avait entendu, chez le barbier de la Metro-Goldwyn, un grand producteur bégayer à travers la mousse qui couvrait son visage :
    –  Ces petits salauds de Japs m’ont mis dans une rage telle que je ne sais ce qui me retient de tout balancer et de courir tout de suite à……
    Il avait hésité, cherché le symbole le plus violent de son indignation et de son sens du devoir. Puis :
    – À Washington ! avait-il déclaré finalement.
    L’histoire du dialoguiste remportait un franc succès.
    Il passait de table en table, racontait son histoire et s’esquivait habilement pendant l’éclat de rire qu’elle provoquait.
    Cahoon était distrait et apathique et, bien qu’il insistât pour boire un verre avant d’aller s’asseoir à leur table, Michael comprit qu’il souffrait de son ulcère à l’estomac. C’était la première fois qu’il voyait Cahoon boire un verre.
    Ils s’assirent pour attendre Milton Sleeper, l’auteur de la pièce que Cahoon voulait monter, et Kirby Hoyt, un acteur de cinéma qu’il espérait persuader d’en tenir l’un des premiers rôles.
    –  Sale habitude qu’ont les gens de cette ville de parler affaires en déjeunant, grogna Cahoon. C’est tout juste si on peut encore engager un figurant sans lui remplir d’abord la panse.
    Pharney traversa la salle en souriant et serrant les mains à la ronde. Pharney était l’agent de cent cinquante des acteurs, auteurs et directeurs les mieux payés de Hollywood ; ce restaurant était son domaine royal et le moment du déjeuner son heure d’audience solennelle. Il connaissait bien Michael auquel, à maintes reprises, il avait promis fortune et célébrité s’il voulait venir travailler avec lui.
    –  Hello ! dit Pharney.
    Il leur serra la main, en souriant avec la bonne humeur insolente qui parvenait généralement à soutirer aux gens plus d’argent qu’ils n’avaient eu l’intention de lui en donner.
    –  Alors, qu’en dites-vous ? demanda-t-il.
    On eût dit, à l’entendre, que la guerre était sa toute dernière production, et qu’il en était particulièrement satisfait.
    –  La meilleure petite guerre à laquelle j’aie jamais participé, dit Michael.
    –  Quel âge avez-vous ?
    – Trente-trois ans.
    –  Je peux vous avoir deux galons dans la marine, dit Pharney. Services publics. Radio. Vous êtes preneur ?
    –  Grand Dieu ? gémit Cahoon. Le voilà aussi passé agent pour la marine  !
    –  Relations en haut lieu, expliqua Pharney, nullement offensé. Alors ?
    Il se retourna vers

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