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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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m’a échappé. Exactement. Je m’en vais à Érié, en Pennsylvanie.
    Il sortit du bar, très droit et très digne.
    Michael le regarda partir. Il ne pouvait s’empêcher de sourire et, lorsqu’il se retourna vers Peggy, il souriait toujours.
    –  L’Armée, dit-il, fait de ch…
    Puis il vit qu’elle pleurait. Elle était assise, bien sagement, sur son tabouret, mais les larmes coulaient sur ses joues, sans qu’elle lève la main pour les essuyer.
    –  Peggy, murmura Michael.
    Il remarqua, du coin de l’œil, que le barma n s’était retiré ostensiblement à l’autre bout du bar et cherchait sous le comptoir un objet introuvable. « Les barmen doivent voir tant de larmes, depuis quelque temps, songea Michael, qu’il leur a bien fallut rectifier leur technique. »
    –  Je suis désolée, dit Peggy. Je me suis mise à rire, et voilà ce que ça a donné.
    Puis, le gérant italien s’approcha, ronronnant :
    –  Votre table, monsieur Whitacre.
    Michael s’empara de leurs deux verres, et ils suivirent le garçon jusqu’à une table située contre le mur, au fond de la salle. Lorsqu’ils s’y furent installés, Peggy ne pleurait plus, mais son visage était morne et Michael ne l’avait jamais vue dans cet état.
    Ils mangèrent en silence. Michael s’attendait à voir Peggy reprendre rapidement le contrôle d’elle-même. Cette faiblesse ne lui ressemblait pas du tout. C’était la première fois qu’il la voyait pleurer. Il l’avait toujours considérée comme une fille capable de faire face aux événements avec un tranquille stoïcisme. Elle ne s’était jamais plainte de quoi que ce soit, n’avait jamais sombré dans ces fièvres émotionnelles – et irrationnelles – inhérentes au sexe féminin, et il ne savait pas comment s’y prendre pour l’apaiser ou l’arracher à sa propre dépression. Il la regardait de temps en temps, en mangeant, mais son visage était toujours obstinément incliné au-dessus de son assiette.
    –  Je suis désolée, répéta-t-elle enfin, lorsqu’on leur apporta le café, d’une voix inopinément altérée. Je suis désolée de m’être conduite ainsi. Je sais que je devrais être gaie et désinvolte et embrasser le brave soldat, en lui disant : « Va te faire trouer la peau, » mon chéri. Je t’attendrai le verre à la main. »
    –  Peggy, dit Michael. Ferme-la.
    –  Tu porteras mes couleurs, en faisant l’exercice ? dit Peggy.
    –  Qu’est-ce qui ne va pas, Peggy ? coupa bêtement Michael.
    Au fond de lui, il savait très bien ce qui n’allait pas.
    –  C’est justement que j’aime tant les guerres, dit Peggy. Je suis folle des guerres.
    Elle rit.
    –  Ce serait terrible s’il y avait une guerre et que je n’aie pas quelqu’un que j’aime en train de se faire tirer dessus.
    Michael soupira. Il se sentait las et impuissant, mais il savait qu’il n’aurait pas aimé entendre Peggy parler de la guerre avec patriotisme et refuser de tenir compte de ses sentiments personnels.
    –  Que-veux-tu de moi, Peggy ? dit-il, pensant à l’Armée qui l’attendait, implacable, à six heures trente, le lendemain matin, et aux autres armées qui l’attendaient, prêtes à le tuer, sur d’autres continents. Que veux-tu que je fasse ?
    –  Rien, dit Peggy. Tu m’as donné deux précieuses années de ton temps. Que pourrais-je désirer de plus ? Maintenant, tu peux partir et sauter sur une mine. Ça n’a plus aucune importance.
    Le garçon gravitait autour de leur table.
    –  Et avec le café, ce sera ? s’informa-t-il en souriant, avec l’affection des restaurateurs pour les amoureux prospères qui choisissent des plats coûteux.
    –  Un brandy pour moi, dit Michael. Et toi, Peggy ?
    –  Rien, merci, dit Peggy. Je suis très bien comme ça.
    Le gérant s’ éloigna.
    « S’il n’avait pas sauté dans un navire, à Naples, en 1920, pensa Michael, il serait probablement en Libye, actuellement. »
    –  Tu veux savoir ce que je veux que nous fassions, cet après-midi ? jeta Peggy d’un ton agressif.
    –  Oui.
    –  Je veux que nous allions nous marier quelque part.
    Par-dessus la petite table, elle lui jetait un regard de défi. À la table voisine, une blonde en robe rouge disait au quinquagénaire rayonnant, avec lequel elle déjeunait :
    –  Il faudra que vous me présentiez votre femme, monsieur Cawpowder. Je suis sûre qu’elle est tout à fait charmante.
    –  Tu m’as entendue ?

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