Le Bal Des Maudits - T 1
Hope.
– Hum, grogna la vieille, sans répondre au sourire courtois que lui adressait Noah.
Enfin, elle consentit à les laisser passer et les regarda monter l’escalier.
– C’est pire que l’inspection, chuchota Noah en suivant Hope vers leur chambre.
– Qu’est-ce que c’est que l’inspection ? demanda Hope.
– Je te le dirai une autre fois, répliqua Noah.
La porte se referma derrière eux. La chambre étai t petite. L’une des vitres de l’unique fenêtre était fêl ée en forme d’étoile. Le papier de tenture était si vieux que le motif ressemblait à de la moisissure. L’émail du lit tombait par plaques, mais Hope avait mis des jonquilles sur la table de nuit, et sa brosse à cheveux reposait, signe de mariage et de civilisation, au pied du vase rempli d’eau, près d’une petite photo de Noah en sweater, prise au cours de leurs dernières vacances.
Ils évitaient de se regarder, légèrement embarrassés.
– Il a fallu que je lui montre notre licence de mariage, dit Hope. Je veux dire : à la propriétaire.
– Quoi ? dit Noah.
– Notre licence de mariage. Elle a dit qu’elle avait un mal de chien à maintenir la respectabilité de son établissement, avec cent mille soldats ivres lâchés en liberté chaque semaine dans la ville.
Noah sourit et secoua la tête.
– Qui t’avait dit d’emporter notre licence de mariage ?
Hope toucha les fleurs.
– Je l’ai toujours avec moi, dans mon sac, dit-elle. Pour me souvenir…
Noah s’approcha lentement de la porte. Il y avait une clef dans la serrure. Il la tourna. La serrure grinça lugubrement, dans le silence de la petite pièce.
– Là , d it-il. Il y a sept mois que j’y pense. Juste à tourner une clef dans une serrure.
Brusquement, Hope disparut derrière le lit. Elle réapparut aussitôt, et Noah vit qu’elle tenait une petite boîte.
– Je t’ai apporté ça, dit -elle.
Noah s’empara de la boîte. Il pensait aux dix dollars, aux cadeaux enfuis, au morceau de papier, au commentaire sardonique : « Alors ? » Il ouvrit la boîte, s’obligeant à ne plus penser aux dix dollars. Cela pourrait attendre, cela devrait attendre jusqu’à lundi.
La boîte contenait des macarons au chocolat.
– Goûte-les, dit Hope. Je suis heureuse de t’annoncer que je ne les ai pas faits moi-même. J’ai écrit à ma mère de les faire et de me les envoyer.
Noah entama un macaron. Ils avaient un goût de bonheur et de foyer. Il en mangea un second.
– C’était une idée épatante, dit-il.
– Déshabille-toi , c ommanda sauvagement Hope. Enlève tous ces sales vêtements !
Le lendemain matin, ils descendirent très tard pour prendre leur petit déjeuner Ensuite ils se promenèrent dans les rues de la petite ville. Les gens revenaient de l’église, et les enfants endimanchés marchaient avec une dignité ennuyée dans le sillage de leurs parents, le long des pelouses fanées. On ne voyait jamais d’enfants, au camp, et leur présence donnait au matin un air accueillant et familial.
Un soldat ivre marchait en surveillant étroitement ses pieds, sur le bord du trottoir. De temps à autre, il levait les yeux vers les « pratiquants », comme pour les mettre au défi de critiquer sa piété ou son droit d’être ivre un dimanche matin. Lorsqu’il croisa Noah et Hope, il leur adressa un salut grandiose, murmura : « Chut. Pas un mot aux M. P. » et continua fièrement sa route.
– Un type que j’ai vu hier dans l’autobus, dit Noah. Je lui ai montré ta photo.
– Jugement ? s’ informa Hope en le pinçant du bout des doigts. Négatif ou positif ?
– Un jardin, dit Noah. Un jardin par un beau jour de printemps.
Hope s’esclaff a.
– Si cette armée espère gagner la guerre avec des poètes… commença-t-elle.
– Il a dit aussi : « Bon Dieu, je vais tâcher de me » marier moi-même avant de les laisser me trouer la » peau ! »
Hope s’esclaffa, une seconde fois, puis elle réalisa la signification des derniers mots, et son sourire disparut. Elle ne dit rien, cependant. Elle ne pouvait rester qu’une semaine, et ils n’avaient pas de temps à perdre en discussions de ce genre.
– Tu crois que tu pourras venir tous les soirs ? demanda-t-elle.
Noah acquiesça.
– Même si je dois corrompre tous les M. P. d e la région, dit-il. Vendredi soir, peut-être pas, mais tous les autres soirs…
Il regarda, autour de lui, la
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