Le Bal Des Maudits - T 1
entre les deux hommes.
– Toi, fous-moi le camp, d’ici dit Noah.
Il poussa le sol de ses deux mains, parvint enfin à se relever.
Il avança vers Donnelly, chancelant, l’œil droit plein du sang qui dégoulinait de son arcade sourcilière. Donnelly le frappa de nouveau, une seule fois, et, de nouveau, les spectateurs firent : « Ah », lorsque le poing de Donnelly toucha la mâchoire de Noah. Noah tomba à la renverse, contre les hommes qui assistaient au combat. Puis il glissa à terre et resta immobile. Michael s’agenouilla près de lui. Les yeux de Noah étaient fermés, et il respirait régulièrement.
– O. K.
Michael leva les yeux vers Donnelly.
– Félicitations. Tu as gagné.
Il retourna Noah sur le dos , et Noah ouvrit les yeux, mais c’étaient des yeux sans regard, qui ne voyaient pas les étoiles dans le ciel assombri.
Tranquillement, les spectateurs se dispersèrent.
– Tu te rends compte, entendit Michael, tandis qu’il prenait Noah sous les aisselles pour l’aider à se relever. Tu te rends compte que ce petit salaud a réussi à me faire saigner du nez !
Michael fumait une cigarette, dans les latrines, en regardant Noah baigner d’eau glacée son visage et son torse n u. Un peu partout, sur ses flancs et sa poitrine, il y avait d’énormes marques rouges. Noah leva la tête. Son œil droit était complètement fermé, et sa bouche saignait toujours. Il cracha dans la cuvette, et deux dents jaillirent, dans un caillot de sang.
Noah ne parut pas s’en apercevoir. Il se sécha, lentement, tachant sa serviette d’épaisses tache s rouges.
– Alors, dit Michael, je crois que ça suffit, hein ? Tu vas annuler le reste…
– Quel est le suivant, sur la liste ?
– Écoute-moi, dit Michael. Tu vas te faire complètement démolir…
– Le suivant, c’est Wright, annonça Noah. Dis-lui que je serai prêt à le rencontrer, dans trois soirs.
Il jeta sa serviette sur ses épaules nues et sortit des latrines sans attendre la réponse de Michael.
Michael le regarda sortir, haussa les épaules, tira une dernière bouffée de sa cigarette, la jeta, et sortit à son tour, dans la douceur du soir. Il ne rentra pas directement à la baraque, parce qu’il ne voulut pas revoir Ackermann ce soir-là.
Wright était l’homme le plus lourd de la compagnie. Noah n’essaya pas de l’éviter. Il l’attendit, garde haute passa entre les lentes trajectoires des lourdes mains meurtrières, fendit la lèvre de Wright et plaça un excellent direct à l’estomac. Wright grogna de douleur et plia légèrement.
« Stupéfiant, pensa Michael, en observant Noah avec une admiration réticente, il sait réellement boxer. Où a-t-il bien pu apprendre ? »
– Cogne au ventre, abruti ! vociféra Rickett, de la place qu’il occupait dans le cercle des spectateurs.
Un instant plus tard, tout était fini. Wright avait frappé en cercle, un coup énorme, avec tout son poids derrière. Le marteau noueux de son poing s’écrasa contre le flanc de Noah. Noah tomba à quatre pattes, dans l’espace découvert, suffoquant et cherchant vainement à aspirer un air introuvable.
Alentour, tout se monde se taisait.
– Alors, dit Wright d’un air belliqueux.
– Va te coucher, dit Michael. Tu as été merveilleux.
Noah commençait à reprendre haleine. L’air sifflait dans sa gorge, en longs gémissements d’agonie. Wright le poussa dédaigneusement du bout de son soulier et se détourna en disant :
– Qui est-ce qui me paie un coup, là-dedans ?
Le docteur étudia la radiographie, et déclara que Noah avait deux côtes fracturées. Il entoura la poitrine de Noah de ban dages et de rubans adhésifs, et l’obligea à se tenir tranquille, dans le lit, de l’infirmerie.
– Tu vas arrêter, après ça ? dit Michael.
– Le toubib a dit que j’en avais pour trois semaines, dit péniblement Noah. Préviens le suivant pour cette date-là.
– Tu es cinglé, dit Michael. Je m’en garderai bien.
– Va-t’en prêcher ailleurs, chuchota Noah. Si tu ne veux pas le faire, fiche le camp. Je le ferai moi-même.
– Qu’est-ce que tu crois que tu es en train de faire ? s’emporta Michael. Et qu’est-ce que tu crois que ça prouve ?
Noah ne répondit pas. Son œil morne et hagard était rivé, en face de lui, sur le visage du type qui s’était cassé une jambe, deux jours avant, en tombant d’un camion.
– Qu’est-ce que ça prouve ? cria
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