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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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Michael.
    –  Rien, dit Noah. Je fais ça pour mon plaisir. C’est tout ?
    –  Oui, dit Michael. C’est tout. Il sortit.
    –  C’est au sujet du soldat Ackermann, mon capitaine, dit Michael.
    Colclough était assis très droit, derrière son bureau ; le bourrelet de graisse qui soulignait son menton débordait largement, par-dessus son col étroit, et lui donnait l’allure d’un homme soumis à une lente strangulation.
    –  Oui ? dit-il. Qu’avez-vous à dire au sujet du soldat Ackermann ?
    –  Peut-être avez-vous entendu parler, mon capitaine, de la… discussion qui… oppose le soldat Ackermann à dix autres hommes de la compagnie ?
    Un sourire vaguement amusé détendit le visage de Colclough.
    –  J’en ai entendu parler, admit-il.
     –  Je crois que le soldat Ackermann n’est plus responsable de ses actes, dit Michael. Il va probablement se faire estropier pour le reste de ses jours. Et je crois qu’il serait préférable, si vous étiez de cet avis, de l’empêcher de se battre encore…
    Colclough enfonça son index dans sa narine gauche, rencontra un obstacle, retira son doigt, examina pensivement le trésor qu’il venait de capturer.
    –  Dans toute armée, Whitacre, dit-il, en adoptant ce ton égal et sobre qu’avait dû lui enseigner, à Joplin, l’audition des prêtres officiant lors d’enterrements innombrables, il est impossible d’éviter certaines frictions entre les hommes. Je crois que le moyen le plus sain de faire disparaître ces frictions est de les laisser régler leurs différends au moyen de leurs poings. Ce ne seront pas à des coups de poings, Whitacre, que ces hommes seront exposés plus tard, mais à des balles et à des obus… À des balles et à des obus, Whitacre, répéta-t-il pour sa satisfaction personnelle. Et il serait contraire à la raison de les empêcher de se rencontrer maintenant, en combats loyaux, sous les yeux de leurs camarades. Aussi ma police est-elle, Whitacre, de laisser les hommes de ma compagnie régler en toute liberté leurs affaires privées, et il ne saurait être question, pour moi, d’intervenir.
    –  Bien, mon capitaine. Merci, mon capitaine, dit Michael.
    Il salua et sortit.
    En marchant lentement dans la direction de sa baraque, Michael prit une brusque décision. IL lui était impossible de continuer ainsi. Il allait faire une demande pour entrer à l’École des élèves officiers. Lorsqu’il s’était engagé, il avait décidé de demeurer simple soldat. Il avait craint, en premier lieu , d’être un peu trop vieux pour lutter avec les athlètes de vingt ans qui composaient la masse des écoles d’élèves officiers. Et son esprit était trop buté dans ses façons de penser et de vivre pour accepter de bonne grâce de nouveaux enseignements. Il avait reculé, enfin, devant la possibilité d’être appelé un jour à occuper une position où les vies d’autres hommes, de tant d’autres hommes, pourraient dépendre de son jugement. Il ne s’était jamais senti aucun talent pour le métier militaire. La guerre, avec tous ses détails infimes et mortels, restait pour lui, même après tous ces mois d’entraînement, un puzzle impossible à résoudre. Travailler au puzzle en tant qu’individu isolé et obscur, sous le commandement de quelqu’un d’autre, c’était très bien. Mais s’y attaquer de sa propre initiative… y envoyer quarante hommes, alors que la moindre erreur pouvait se transformer en quarante tombes…
    Mais, à présent, il ne lui restait rien d’autre à faire. Si l’armée estimait pouvoir confier deux cent cinquante vies à un homme tel que Colclough, personne n’avait le droit, dans ce cas, de se laisser arrêter par sa sentimentalité, sa modestie ou sa crainte des responsabilités. « Demain, pensa Michael, demain, je remplirai le questionnaire et le ferai transmettre. Et dans ma compagnie, pensa-t-il cyniquement, il n’y aura jamais d’Ackermann envoyé à l’infirmerie avec des côtes fracturées…
    Cinq semaines plus tard, Noah retournait à l’infirmerie. Il lui manquait deux dents de plus, et son nez avait été écrasé. Le dentiste était en train de lui faire un bridge, pour lui permettre de manger, et le chirurgien ôtait à chaque visite des esquilles d’os de son nez.
    C’était à peine si Michael osait encore lui parler. Il venait le voir à l’infirmerie et s’asseyait au pied de son ht. Ils évitaient de se regarder et étaient heureux et soulagés

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