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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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Vous jouez au badminton, mademoiselle Freemantle ?
    –  Oui, répondit M lle  Freemantle.
    « Sa voix, pensa automatiquement Michael, est basse et gutturale. »
    –  Quand les peuples vont-ils s’éveiller ? demanda Johnson. Quand vont-ils se décider à regarder les faits en face ? Tout fait partie d’un seul programme. L’Éthiopie, la Chine, l’Espagne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne…
    « Ces noms, pensa Michael, tous ces noms gris ! « Ils avaient été tant de fois répétés qu’ils étaient presque vidés de toute signification émotionnelle.
    –  La classe régnante du monde, dit Johnson, évoquant, dans l’esprit de Michael, tous les pamphlets qu’il avait lus, est en train de consolider son pouvoir , et c’est sa manière de réaliser ses ambitions. Quelques coups de canons pour tromper le public, quelques discours patriotiques par quelques vieux généraux, et l’exécution du contrat signé, scellé, irrévocable.
    « Sans doute a-t-il raison, pensa Michael avec lassitude, tout ce qu’il dit est sans doute plus ou moins vrai, mais ce sont des choses qu’un homme ne peut se permettre de croire, à moins qu’il ne soit décidé à se jeter à la mer. Il faut, pour pouvoir continuer à vivre, garder au fond de soi un certain minimum de crédulité. » Et ce n’était pas l’affaire de Johnson de venir dire ces choses, de sa voix nette, passionnée, cultivée, une de ces voix qu’on entend toujours au théâtre, lors des premières, et dans les grands restaurants, et dans les réceptions mondaines. Michael se demanda où était Parrish, cet Irlandais alcoolique qu’il avait rencontré la veille du premier de l’ an . Sans doute dirait-il la plupart des choses que disait Johnson. Après tout, c’était plus ou moins la doctrine du Parti, mais on l’accepterait plus facilement de la part d’un homme tel que Parrish. Il était probablement mort depuis longtemps, enterré quelque part sur les rives de l’Èbre… « Quoi qu’il arrive, pensa malicieusement Michael, en contemplant le pantalon de toile chocolat et la chemise jaune de Johnson, quoi qu’il arrive, tu n’es pas sûr d’être enterré nulle part, j’en réponds… »
    –  Je vous en prie, dit Laura. Je meurs d’envie de jouer au badminton. Chéri…
    Elle toucha le bras de Michael.
    –  Chéri, les poteaux et le filet sont derrière la maison.
    Michael soupira et se releva lourdement. Et pourtant Laura avait sans doute raison : cela vaudrait mieux que continuer à discuter dans le vide.
    –  Je vais vous aider, dit M lle  Freemantle en se levant et suivant Michael.
    –  Johnson…
    Michael ne put résister, avant de partir, à la tentation de frapper un dernier coup.
    –  Johnson, ne vous est-il jamais venu à l’idée que vous puissiez avoir tort ?
    –  Évidemment, dit Johnson avec dignité. Mais je n’ai pas tort, cette fois.
    –  Quelque part, dit Michael, il doit tout de même rester un peu d’espoir.
    Johnson éclata de rire.
    –  Où vous réapprovisionnez-vous en espoir, ces temps-ci, demanda-t-il. En avez-vous un peu à revendre ?
    –  Oui, dit Michael.
    –  Qu’espérez-vous donc ?
    –  J’espère, dit Michael, que l’Amérique va entrer dans le conflit, et que…
    Il vit les deux Françaises lever les yeux vers lui, sérieusement, anxieusement.
    –  Les raquettes, intervint nerveusement Laura, sont dans la grande caisse verte, Michael…
    –  Vous voulez que des Américains se fassent tuer pour cette escroquerie ? gouailla Johnson. Est-ce ce que vous voulez dire ?
    –  Si nécessaire, admit Michael.
    –  Un métier que vous n’aviez pas encore fait, dit Johnson : prêcheur de guerre.
    –  C’est la première fois que j’y pense, dit froidement Michael, debout devant Johnson assis. À cette minute.
    –  Je comprends, s’exclama Johnson. Lecteur du New York Times, évidemment. Avide de sauver la civilisation telle que nous la connaissons, n’est-ce pas ?
    –  Tout juste, acquiesça Michael. Je suis avide de sauver la civilisation telle que je la connais, et tout le reste.
    –  Cessez de vous chamailler, dit Laura, ne soyez pas ridicules.
    –  Si vous êtes aussi pressé, dit Johnson, pourquoi ne vous engagez-vous pas dans l’armée britannique ? Pourquoi… attendre que l’Amérique entre dans le conflit ?
    –  C’est peut-être ce que je vais faire, répliqua Michael. C’est peut-être ce que je vais faire.
    – 

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