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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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gâchée, qu’il n’avait pas été conçu et mis au monde uniquement pour enseigner un jeu à des enfants et à des villégiaturistes. Il était utile et il avait été utilisé, et un homme ne pouvait pas demander beaucoup plus dans sa vie.
    –  Regardez, dit Brandt.
    Il s’arrêta et tendit l’index.
    Christian l’imita et regarda ce que désignait Brandt. C’était un mur de pierre, nettement découpé dans le clair de lune, et qui portait, marqué à la craie, en hauts chiffres minces et blancs, un nombre : 1918. Christian écarquilla les yeux et secoua la tête. Il savait que ce nombre signifiait quelque chose, mais, inconcevablement, il avait oublié quoi.
    –  1918, dit Brandt. Ils savent. Les Français savent.
    Christian regarda le mur. Il se sentait triste et soudain fatigué, parce qu’il s’était levé à quatre heures, le matin, et que la journée avait été épuisante. Il s’approcha lourdement du mur et leva le bras. Avec sa manche, lentement, méthodiquement, il se mit : à effacer les quatre grands chiffres blancs.

 
5
     
     
     
    L A radio dominait tout. Le soleil avait beau briller, au-dehors, les collines de Pennsylvanie s’étaler fraîches et vertes dans l’air de juin, et ils avaient beau répéter toujours les mêmes choses, Michael finissait toujours par se retrouver cloîtré, assis devant son poste, dans le salon gaiement tapissé, avec son rustique mobilier colonial. Il y avait des journaux tout autour de sa chaise. De temps à autre, Laura entrait, poussait un soupir de martyre en se penchant et ramassant ostensiblement les journaux et les arrangeant près de lui, en une seule pile, bien propre et bien nette. Mais Michael remarquait à peine ses entrées. Penché au-dessus de la radio, il en manipulait les boutons, écoutait les voix, douces et persuasives et théâtrales, qui répétaient, inlassablement : « Life Buoy, contre les odeurs de transpiration », et « deux cuillerées à jeun dans un verre d’eau », et « Le bruit court que Paris ne sera pas défendu. Le Haut Commandement allemand garde le silence sur la position de ses éléments avancés en contact avec la résistance française défaillante. »
    –  Nous avons promis à Tony – Laura étai t debout près de la porte et parlait d’un ton patient et résigné – que nous jouerions au badminton cet après-midi.
    Michael ne broncha pas, l’oreille collée à l’ébénisterie de son poste de radio.
    –  Michael, cria Laura.
    –  Oui ?
    Il ne se retourna même pas.
    –  Badminton, dit Laura. Tony.
    –  Et alors ? demanda Michael, le front ridé par l’effort d’écouter à la fois Laura et le speaker.
    –  Le filet n’est pas posé.
    –  Je le poserai plus tard.
    –  Dans combien de temps ?
    –  Pour l’amour de Dieu, Laura, cria Michael , j’ ai dit que je le ferais plus tard !
    –  Je commence à en avoir assez, dit froidement Laura, les larmes aux yeux, de te voir tout remettre à plus tard.
    –  Vas-tu te taire ?
    –  Cesse de crier comme ça !
    Les larmes se mirent à couler sur ses joues, et Michael regretta de lui avoir fait de la peine. Pendant ces vacances à la campagne, ils avaient espéré, sans se le dire, recapturer la vieille amitié et la vieille affection qu’ils avaient perdues au cours des années désordonnées qui avaient suivi leur mariage. Le contrat de Laura avait expiré, à Hollywood, et ils n’avaient pas renouvelé son option, et, inexplicablement, il lui avait été impossible de trouver un autre contrat. Elle avait très bien pris la chose, gaiement et sans se plaindre, mais Michael savait à quelle profondeur elle avait été blessée, et il avait décidé d’être très tendre avec elle au cours de leur séjour d’un mois à la campagne, dans la villa qu’un ami leur avait prêtée. Ils n’étaient arrivés que depuis une semaine, mais quelle semaine ! Le jour, Michael avait écouté la radio, et la nuit, il avait souffert d’insomnies. Il avait arpenté les planchers du rez-de-chaussée, lisant, errant au hasard, les yeux rouges, le visage las, négligeant de se raser, négligeant d’aider Laura à tenir propre la jolie petite maison.
    –  Pardonne-moi, chérie, dit-il.
    Il la prit dans ses bras et l’embrassa. Elle lui sourit, à travers ses larmes.
    –  Je ne veux pas avoir l’air d’une peste, dit Laura, mais il y a des choses qui doivent être faites, tu sais.
    –  Bien sûr, admit Michael.
    Laura

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