Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
à votre gauche, jusqu’à Eastern Parkway. Là, vous…
    Sa voix continua de composer, avec la description du chemin qu’il devait suivre pour retrouver le monde des vivants, une sorte d’accompagnement musical aux pensées de Noah, et, tandis qu’elle se tenait ainsi devant lui, il remarqua qu’elle avait ôté ses souliers et qu’elle était beaucoup plus petite qu’il l’avait cru, beaucoup plus délicate et plus chère.
    –  Est-ce que vous m’écoutez ? s’inquiéta-t-elle.
    –  Il faut que je vous dise quelque chose, répliqua-t-il d’une voix forte. Je ne suis pas arrogant. Je ne suis pas injuste…
    –  Chut, souffla-t-elle. Ma tante dort.
    –  Je suis timide, chuchota-t-il, et je n’ai pas une seule opinion qui m’appartienne en propre et je ne sais pas pourquoi je vous ai embrassée… Je… je n’ai pas pu m’en empêcher.
    –  Pas si fort, dit-elle. Ma tante.
    –  J’essayais de vous impressionner, murmura-t-il. Je ne connais aucune femme continentale. Je voulais paraître à vos yeux très fort et très sophistiqué. J’avais peur que vous ne me regardiez même pas, si je me contentais d’être moi-même.
    »  Ç’a été une nuit incompréhensible, enchaîna-t-il d’un ton morne. Je ne me souviens pas d’avoir jamais traversé rien d’aussi incompréhensible. Vous avez très bien fait de me gifler. C’était une leçon…
    Il posa son front contre les barreaux, tout près du visage de la jeune fille.
    –  Une très bonne leçon. Je… je ne puis vous dire ce que j’éprouve pour vous en ce moment. Une autre fois, peut-être, mais…
    Il s’arrêta.
    –  Êtes-vous la… le flirt de Roger ? demanda-il.
    –  Non, dit-elle, je ne suis le flirt de personne.
    Il rit. Un rire nerveux. Un rire de dément.
    –  Ma tante, lui rappela-t-elle.
    –  Eh bien, chuchota-il. Le trolley jusqu’à Eastern Parkway… Bonne nuit. Merci. Bonne nuit.
    Mais il ne bougea pas. Ils continuèrent à se regarder, en silence.
    –  Oh, Seigneur ! dit-il doucement, d’une vois angoissée. Vous ne savez pas, vous ne pouvez pas savoir.
    Il entendit grincer la serrure du battant métallique, la grille s’ouvrit et il fit un pas à l’intérieur. Ils s’embrassèrent, mais ce baiser n’avait rien de commun avec le premier. Quelque chose grondait au fond de lui , m ais il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle allait peut-être reculer, soudain, et le gifler encore.
    Elle recula, lentement, le regarda avec un sourire étrange :
    –  Ne vous perdez pas, dit-elle, en rentrant ch ez-vous .
    –  Le trolley, murmura-t-il, le trolley jusqu’à Eastern Parkway, et ensuite… Je vous aime… Je vous aime.
    –  Bonne nuit, dit-elle. Merci de m’avoir raccompagnée.
    Il fit un pas en arrière et la grille se referma entre eux. Hope pivota et rentra chez elle, sur ses bas. La porte se referma à son tour. La rue était vide. Il se dirigea vers le tramway. Ce fut seulement lorsqu’il parvint à la porte de sa propre chambre, près de deux heures plus tard, qu’il s’aperçut que c’était la première fois, au cours de ses vingt et un ans d’existence, qu’il avait dit : « Je vous aime. »
    La pièce était plongée dans l’obscurité, et il perçut la respiration mesurée de Roger endormi. Il se déshabilla rapidement, en silence, et se glissa dans son lit, à l’autre bout de la chambre. Il demeura allongé, les yeux levés vers le plafond invisible, ballotté par des vagues alternées de plaisir et d’agonie, à la pensée du baiser qu’ils avaient échangé, près de la grille, et de ce qu’allait lui dire Roger, demain matin.
    Il allait s’endormir lorsqu’il entendit son nom.
    –  Noah !
    Il ouvrit les yeux.
    –  Hello, Roger, dit-il.
    –  Ça va ?
Oui.
    Silence.
    –  Tu l’as reconduite chez elle ?
Oui.
    Silence dans la chambre obscure.
    –  Nous sommes tous sortis pour acheter des sandwiches, dit Roger. Vous avez dû nous manquer.
Oui.
    Un nouveau silence.
    –  Roger…
Oui ?
    –  Je te dois une explication. Je n’avais pas l’intention de… Sincèrement. Je voulais partir seul et… Je ne m’en souviens pas très bien… Roger, tu es réveillé ?
    –  Oui.
    –  Roger, elle m’a dit quelque chose.
    –  Quoi donc ?
    –  Elle m’a dit qu’elle n’était pas ton flirt.
    –  Ah, ah ?
    –  Elle m’a dit qu’elle n’était le flirt de personne. Mais si elle était ton flirt, ou si tu voulais qu’elle soit ton

Weitere Kostenlose Bücher