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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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un peu.
    –  O. K., dit Michael, je vais lui parler.
    Puis, cruellement, parce qu’il était impossible de ne pas être cruel avec un type tel que Leroy Keane.
    –  Et, si jamais tu participes à une bataille, j’espère que tu ne seras plus avec moi.
    –  Merci, vieux, merci mille fois, dit cordialement Keane. C’est chic de ta part de parler pour moi à Pavone. Je l’oublierai pas, vieux, sincèrement, je l’oublierai pas.
    Michael prit quelques mètres d’avance, et Keane dut comprendre l’allusion, car il resta en arrière et s’abstint de parler. Mais, peu de temps avant la fin de son tour de garde, il rattrapa Michael et dit d’un ton pénétré, comme s’il venait d’y réfléchir longuement :
    –  Je crois que je vais me faire porter malade, demain, et me faire administrer des sels d’Epsom. Juste une bonne évacuation, et ça peut changer bien des choses.
    –  Tous mes souhaits de réussite, commenta gravement Michael.
    –  Tu n’oublieras pas de parler à Pavone, hein ?
    –  Je n’oublierai pas, dit Michael. Je lui suggérerai même de te faire parachuter sur le quartier général du général Rommel.
    –  Ça peut te sembler marrant, dit Keane, offensé, mais, si tu descendais d’une famille comme la mienne, avec un frère qui…
    –  Je parlerai à Pavone, dit Michael. Réveille Stellevato et va te coucher. Je te verrai demain matin.
    –  Ça m’a fait du bien, dit Keane de parler à cœur ouvert avec quelqu’un de compréhensif. Merci, vieux.
    Michael regarda le frère du médaillé d’honneur marcher lourdement vers l’autre extrémité du champ, où dormait le jeune Stellevato.
    Stellevato était un petit Italien aux os frêles, âgé de dix-neuf ans, au visage brun et doux comme un coussin de velours. Il était originaire de Boston, où il exerçait la profession de glacier, et son accent était un mélange de sons liquides purement italiens et des longs sons rauques des rues riveraines de la rivière Charles. Lorsqu’il était de garde, il se plantait solidement contre le capot d’une Jeep, et rien ne pouvait l’en faire bouger. Il avait été dans l’infanterie, aux États-Unis, et il avait contracté une telle haine de la marche qu’il prenait sa Jeep, à présent, pour se rendre aux latrines. Une fois en Angleterre, il avait affronté tout le corps médical, en une lutte habile et obstinée, destinée à convaincre l’armée que ses pieds plats le rendaient totalement impropre à servir dans l’infanterie. Son grand triomphe, dont il se souvenait avec plus d’émotion que d’aucun événement advenu depuis Pearl Harbor, était d’avoir enfin réussi à se faire assigner comme conducteur auprès de Pavone. Michael l’aimait beaucoup, et, lorsque leurs tours de garde coïncidaient, ils s’adossaient côte à côte au capot d’une Jeep, fumaient en cachette, échangeaient des confidences. Michael extrayait de sa mémoire toutes ses rencontres fortuites avec des artistes de ci néma, que Stellevato admirait sans mesure ; Stellevato décrivait en détail la tournée de la glace et du charbon, à Boston, et la vie de sa propre famille, papa, maman et trois fils logés à la diable dans un appartement de Salem Street.
    –  J’étais en train de rêver, dit Stellevato, enveloppé dans son imperméable aux boutons arrachés, le fusil pendant à l’épaule, l’apparence aussi peu militaire que possible. J’étais en train de rêver aux États-Unis, quand ce salaud de Keane m’a réveillé. Y doit avoir une case de vide, ce type-là. Il m’a cogné sur les tibias comme un flic chassant un loqueteux en train de roupiller sur le banc d’un parc, et en gueulant assez fort pour réveiller toute l’armée : « Debout, fiston, il pleut sur la route et t’as une petite balade à faire. Debout, fiston, va marcher sous la bonne petite pluie bien froide ! » Est-ce que c’est des trucs à dire, ça ! Je l’ai bien vu, qu’y pleuvait. Il aime rendre les gens malheureux, ce type-là. Et j’aurais pas voulu qu’y me réveille avant d’avoir fini mon rêve…
    La voix de Stellevato s’adoucit, se fit lointaine.
    –  J’étais dans le camion avec mon vieux. Y faisait beau. C’était un jour d’été, et mon vieux était assis à côté de moi. Y roupillait un peu en fumant un de ces petits cigares noirs tout tordus, les Italo Balbo, tu les connais, peut-être ?
    –  Oui, dit gravement Michael. Cinq pour dix cents.
    –  Italo Balbo, dit

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