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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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l’intérieur des lignes ennemies. Le lieutenant Green, qui commandait maintenant la compagnie, le leur avait fort clairement expliqué. Et tandis que, sur le moment, les hommes avaient feint un scepticisme absolu, il leur était impossible, à présent, en observant la terrible précision de cette énorme force aérienne, de douter que toute l’offensive ne se déroulerait pas selon le plan prévu.
    « Bien, pensa Noah, l’attaque de l’infanterie ne sera rien de plus qu’une simple parade. » Depuis son retour des jours passés derrière les lignes ennemies, il s’était farouchement enfermé dans sa solitude, essayant, pendant toute la durée du repos qui lui avait été accordé, de se fabriquer une nouvelle attitude, une philosophie de complet détachement, pour se protéger une fois pour toutes contre la haine de Rickett et de quiconque pouvait encore penser comme lui à l’intérieur de la compagnie. Sur un certain plan, tandis qu’il observait le passage des avions et entendait, devant lui, le tonnerre de leurs bombes, sur un certain plan, il était reconnaissant à Rickett. Rickett l’avait absous de la nécessité de faire ses preuves en démontrant que, quels que puissent être les mérites de Noah, même s’il prenait Paris à lui tout seul ou tuait chaque jour une brigade de S. S., jamais Rickett ne l’accepterait.
    « À présent, s’était dit Noah, je ne bouge plus. Je suis la foule. Ni plus vite ni plus lentement, et je ne ferai ni mieux ni pire. S’ils avancent, j’avance ; s’ils veulent battre en retraite, je bats en retraite. » Debout dans le trou boueux, derrière la haie obstinément verte, avec le sifflement des bombes et la clameur de l’artillerie au-dessus de sa tête, il se sentait étrangement paisible. C’était une paix ténébreuse et désespérée, jaillie des plus amers effondrements de ses plus chers espoirs, mais c’était une paix tout de même, et qui, dans son amertume, contenait la promesse de la survie.
    Il observait les avions avec intérêt, et, baissant les yeux de temps à autre pour regarder, à travers la haie, dans la direction des lignes ennemies, secouant la tête pour libérer ses tympans de la percussion des bombes, il était navré pour les Allemands massacrés, derrière la ligne imaginaire des points de chute des projectiles de l’aviation américaine. Fantassin lui-même, armé d’un engin qui projetait un projectile de soixante grammes à un pitoyable kilomètre, il ressentait une haine commune envers les tueurs impersonnels, une immense compassion envers les hommes impuissants accroupis dans leurs trous, réduits en miettes par le siècle du progrès, à l’aide de bombes de cinq cents kilos lâchées d’une distance imprenable de huit kilomètres.
    Il regarda Burnecker, et d’après l’expression torturée de son jeune et maigre visage, comprit que des pensées semblables habitaient le cerveau de son ami.
    –  Mon Dieu ! chuchota Burnecker, pourquoi ne s’arrêtent-ils pas ? Ça suffit, ça suffit. Qu’est-ce qu’ils veulent en faire ? De la chair à pâté ?
    La D. C. A. allemande se taisait, à présent, et les avions manœuvraient calmement au-dessus de leurs têtes, aussi calmement que s’ils s’étaient trouvés au-dessus du terrain d’atterrissage de Wright.
    Puis il y eut un sifflement, non loin d’eux, un grondement, un tremblement de terre. Burnecker se précipita sur Noah et l’attira avec lui au fond du trou.
    Ils s’accroupirent, jambes emmêlées, et leurs casques se heurtèrent violemment, tandis qu’autour d’eux s’abattait une pluie de bombes qui tes couvrait de terre, de pierres et de branches fracassées.
    –  Oh, les salauds, disait Burnecker. Oh, les salauds, tes assassins !
    Des cris, des hurlements, retentissaient autour d’eux. Mais il leur serait impossible de quitter leur trou tant que durerait l’averse meurtrière. Noah entendait, au-dessus de sa tête, le bourdonnement constant, confiant, implacable, des avions, intouchés, intouchables, faisant calmement leur travail, tandis qu’à l’intérieur de leurs carlingues, persuadés de leur adresse, les aviateurs étaient probablement en train de se féliciter du travail qu’ils s’imaginaient accomplir,
    –  Oh ! les misérables assassins, disait Burnecker, et c’est ça qui touche des paies formidables ! Poux nous casser la gueule !
    « C’est la dernière chose que me fera jamais l’armée, pensait Noah, elle va me

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