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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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tuer elle-même. Elle n’a pas confiance en l’armée allemande. Elle veut s’assurer que je n’en réchapperai pas. Il ne faut pas qu’ils disent à Hope comment je suis mort. Il ne faut pas qu’elle sache que ce sont des Américains qui m’ont tué… »
    –  Tous sergents, tous colonels ! criait Burnecker entre les explosions, avec une haine sauvage. Le guidon de visée Norden ! La merveille de la science moderne ! On aurait dû s’y attendre ! Seigneur ! ils ont même bombardé la Suisse, il n’y a pas si longtemps. Bombardements de précision ! Ils ne distinguent même pas un pays d’un autre ! Comment diable veux-tu qu’ils ne se trompent pas d’armée !
    Burnecker hurlait à dix centimètres de Noah, lui aspergeant le visage de salive, dans l’intensité de sa rage. Noah savait que Burnecker hurlait et se conduisait ainsi pour préserver leurs raisons et leurs existences, pour les obliger tous les deux à rester tapis au fond du trou, cramponnés à leur dernier espoir de survie.
    –  Ils s’en foutent ! hurlait Burnecker. Ils se foutent où tombent leurs saletés. Ils ont ordre de lâcher cent tonnes de bombes par jour. Ils se foutent de les lâcher sur leurs propres mères ! Ils se sont probablement saoulés hier soir, et ils sont pressés de revenir pour se porter malades, et ils poussent leurs boutons deux minutes trop tôt. Qu’est-ce que ça peut leur foutre ? C’est une mission de plus d’accomplie ! Encore cinq, et ils seront renvoyés dans leurs foyers, les salauds !… Je jure que le premier que je coince avec des ailes sur la poitrine, je l’étrangle de mes propres mains. Je jure que…
    Et puis, miraculeusement, le bombardement cessa. Les avions grondaient toujours au-dessus d’eux, mais, d’une façon ou d’une autre, ils avaient dû se rendre compte de leur erreur et se dirigeaient vers d’autres objectifs.
    Lentement, Burnecker se leva et regarda autour de lui.
    –  Oh, mon Dieu ! dit-il d’une voix brisée.
    Blême, tremblant, plein d’appréhension, Noah tenta de se relever. Mais Burnecker le repoussa brutalement.
    –  Ne regarde pas, commanda-t-il. Laisse les toubibs les déblayer. C’étaient presque tous des remplacements. Reste où tu es.
    Il posa ses deux mains sur les épaules de Noah, appuya de toutes ses forces.
    –  Ces salauds-là sont capables de revenir et de nous relâcher leurs saletés dessus. Noah…
    Il s’accroupit près de Noah et lui serra fiévreusement les mains.
    –  Noah, il faut qu’on reste ensemble, toi et moi. Tous les deux. On s’entre-porte bonheur. Rien ne nous arrivera tant qu’on restera ensemble. Toute la compagnie y passera, mais pas nous. On s’en tirera… On s’en tirera…
    Il secoua violemment Noah. Ses yeux étaient hagards, sa bouche tremblait, sa voix était méconnaissable dans l’intensité de sa foi si souvent éprouvée, sur les eaux de la Manche, dans la ferme assiégée, au sein de la marée salée du canal, la nuit où Cowley s’y était noyé.
    –  Il faut que tu me le promettes, Noah, chuchota Burnecker. On les laissera pas nous séparer. Jamais. Quoi qu’ils puissent faire ! Promets-le-moi !
    Noah se mit à pleurer, et les larmes roulèrent doucement sur ses joues, devant la foi mystique de son ami.
    –  Bien sûr, Johnny, dit-il. Tu penses, Johnny !
    Et pendant un instant il crut, comme Burnecker, qu’il s’agissait là d’un signe de la providence et qu’ils survivraient à tout ce qui les attendait encore, si d’une façon ou d’une autre, ils parvenaient à demeurer toujours ensemble.
    Vingt minutes plus tard, ce qui restait de la compagnie quitta la ligne de trous et s’avança vers les positions qu’ils avaient abandonnées pour laisser à l’aviation une marge d’erreur. Puis ils franchirent la haie et traversèrent le champ constellé d’entonnoirs, en direction de l’endroit où les Allemands étaient, en théorie, tous morts ou démoralisés.
    Les hommes marchaient lentement dans l’herbe rase, fusils et mitraillettes au niveau de la hanche. « Est-ce là tout ce qui reste de la compagnie ? » pensa Noah avec une morne stupéfaction. Tous les soldats de remplacement, qui étaient arrivés la semaine précédente, et n’avaient pas encore tiré un seul coup de feu, étaient-ils déjà tous disparus ?
    Dans le champ voisin, Noah pouvait apercevoir une autre mince ligne d’hommes marchant avec la même lassitude vers un talus au pied duquel se

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