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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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de ces quatre ans, d’une femme éblouissante à une autre femme éblouissante.
    –  Nous comptons nous marier, dit Brandt fermement, dès que cette saleté de guerre sera finie.
    –  Bien sûr, dit Christian.
    Il ralentit en dépassant une colonne de soldats qui marchaient à la file indienne, sur le bord de la route, dans le scintillement des rayons de lune sur l’acier de leurs armes. Bien sûr. « Pourquoi pas ? » Brandt, pensa-t-il avec envie. Brandt, le type même de l’homme intelligent, veinard, prévoyant. Brandt sortant sans une égratignure d’une guerre confortable, avec un joli petit avenir tout tracé devant lui.
    –  Je vais aller tout droit chez elle, dit Brandt, enlever cet uniforme et mettre un complet civil. J’y resterai jusqu’à l’arrivée des Américains. Une fois la première fièvre passée, Simone ira à la police militaire américaine et leur dira que je suis un officier allemand qui désire se rendre. Les Américains sont très corrects. Ils traitent les prisonniers comme des gentlemen. La guerre finira bientôt, ils me libéreront, j’épouserai Simone et retournerai à ma peinture…
    « Admirable Brandt », pensa Christian. « Tout était arrangé, tout était prévu : femme, carrière, tout… »
    –  Écoutez, Christian, dit sérieusement Brandt. Ça peut marcher également pour vous.
    –  Quoi ? gouailla Christian. Simone veut-elle également m’épouser ?
    –  Ne plaisantez pas, dit Brandt. Elle a un grand appartement. Deux chambres. Vous pouvez y rester, aussi. Vous êtes un garçon d’une trop grande valeur pour vous laisser enfoncer dans la boue de cette saleté de guerre…
    Brandt, d’un geste de la main, désigna les hommes qui chancelaient sur la route, la mort latente, les États croulants.
    –  Vous en avez assez fait. Vous avez fait votre devoir. Plus que votre devoir. Le temps est venu où tous ceux qui ne sont pas des imbéciles ne doivent plus penser qu’à eux-mêmes.
    Brandt posa sa main sur le bras de Christian. Doucement. Amicalement.
    –  Je vais vous dire quelque chose, Christian. Depuis le premier jour, sur la route de Paris, vous savez, je vous ai cherché, j’ai pensé à vous, je me suis inquiété à votre sujet. Et je me disais que, si j’étais un jour en position d’aider quelqu’un à se sortir de cette aventure, j’aimerais que ce soit vous. Nous aurons besoin d’hommes comme vous, après la guerre. Vous le devez à votre pays, même si vous n’avez pas le sentiment de vous le devoir à vous-même. Christian… Viendrez-vous avec moi ?
    –  Peut-être, dit lentement Christian. Peut-être…
    Il secoua la tête, pour chasser le sommeil de ses yeux, et contourna un petit véhicule blindé, immobilisé en travers de la route, que trois hommes tentaient fiévreusement de dépanner, à la lueur frêle de lampes électriques camouflées.
    –  Peut-être. Mais il nous faut d’abord atteindre Paris. Et, lorsque nous y serons, nous pourrons commencer à nous demander ce que nous allons faire par la suite…
    –  Nous y parviendrons, dit Brandt, calmement. J’en suis certain. À présent, j’en suis absolument certain.
    Il y avait peu de circulation dans les rues de Paris. Elles étaient aussi sombres que de coutume, mais ne paraissaient pas différentes de ce qu’elles avaient été les autres fois où Christian les avait parcourues, avant le débarquement. Des voitures d’état-major allemandes filaient toujours dans les rues ; les portes des cafés s’ouvraient de temps en temps, illuminant brièvement le trottoir ; des soldats en bordée riaient avec des filles, et faisaient Dieu seul savait quoi, dans l’épaisse obscurité des portes cochères. Quant aux filles elles-mêmes, elles étaient toujours aussi actives, remarqua Christian, lorsqu’ils traversèrent la place de l’Opéra. Elles appelaient toujours, au passage, les sil houettes en uniforme. « Les affaires sont les affaires, pensa cyniquement Christian. Que l’ennemi soit à mille kilomètres ou bien sous les murs de la Ville. Que les Américains soient à Casablanca ou bien à Alençon… » Brandt était manifestement à deux doigts de la crise nerveuse. Assis sur le bord de son siège, la respiration haletante, il guidait Christian à travers un labyrinthe de petites rues que le black-out achevait de rendre inextricable. Christian se souvint de la dernière fois où il avait roulé en compagnie de Brandt dans les rues de Paris,

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